ÉVÉNEMENTS ET SÉANCES SPECIALES
A PROPOS
Il n’est pas de genre mineur… Et pourtant, le mépris pour la comédie sentimentale a la vie dure. Il ne s’agit évidemment pas de faire entrer Quand Harry rencontre Sally dans un modèle cinématographique parfait. Mais peu de films ont montré avec autant d’humour que la comédie sentimentale décalée a été américaine, notamment en l’an de grâce 1989, avant de devenir, après quelques mariages et quelques enterrements, anglaise.
Depuis quelques années, le nom de Nora Ephron en tant que scénariste fait peur : Vous avez un message et Ma sorcière bien-aimée ne feront sans nul doute jamais partie d’un quelconque panthéon. Le nom de Rob Reiner évoque malheureusement davantage les égarements pitoyables de La rumeur court… ou de Sans plus attendre, que les charmantes fantaisies de sa Princess Bride de 1987. Il est assez clair que Quand Harry rencontre Sally fait partie des fulgurances de ses deux auteurs. À partir d’un scénario banal ?un homme et une femme se détestent, se cherchent avant que Cupidon ne s’en mêle?, Ephron et Reiner ont réussi à utiliser les ressorts du comique pour faire d’un topos dramatique une délicieuse comédie rythmée et farfelue. On aurait tort de résumer le film à sa scène culte d’orgasme mimé chez Katz’s… En effet, les errements d’Harry et Sally regorgent de petits détails qui forgent non seulement chacun des personnages avec acuité et humour, mais créent un ton, ni révolutionnaire, ni simplement gentillet, un ton décalé.
Comme dans la comédie classique, il s’agit ici de détourner les clichés de la romance les plus en vue dans la comédie de rires et de larmes, par le dialogue, la position des corps, la mise en place d’un dispositif : il n’y a pas d’étude psychologique dans Quand Harry rencontre Sally, les deux protagonistes se définissent eux-mêmes, très visuellement, par leurs tics, leurs obsessions. Les deux scènes d’ouverture sont en cela des concentrés d’ironie : Sally ne sort de la voiture pour aller dans un dinner d’autoroute qu’après s’être aspergée de laque ; Harry, tout en développant ses « théories » sur la vie, l’amour, la mort, crache ses pépins de raisin par la fenêtre sans que celle-ci soit ouverte… Bien qu’il soit évident dès le départ que les deux êtres vivront bien plus qu’une drôle de rencontre, on ne nous montre que leurs aspects négatifs, titillants, propices à la création d’une atmosphère qui se rapproche davantage de la farce que de la romance à proprement parler. Faire rire avant de faire rêver niaisement… Il semble que le projet détienne la clé d’une forme de réussite.
La référence première est donc cette comédie classique jouant davantage de l’imagination, de la mise en espace des situations dans des cadres restreints : le MET, Central Park ?dans une scène évidemment classée comme une des plus alleniennes du film?, le restaurant, le lit ; en bref, les lieux où l’on échange matières verbales et matières sensuelles. La bonne idée de Quand Harry rencontre Sally n’est donc pas tellement de mener à bien le propos de la comédie romantique ?le happy end, dont on ne doute quasiment jamais- mais de le transformer en prétexte permanent à détournements comiques : il suffit de se laisser attendrir quelques secondes sur la scène de clôture pour être ramené dans le droit chemin par une pirouette finale, une fois n’est pas coutume, savoureuse. Depuis, beaucoup ont tenté de retrouver cette pointe, cette légèreté à peine feinte, y compris les propres créateurs du film. Mais il est clair que lorsque l’on rencontre Harry ou Sally, cela n’arrive qu’une fois. Ne boudons donc pas notre plaisir de midinette un brin exigeante, et profitons de l’hiver pour retrouver quelques parfums de mi-saison new-yorkais, et d’amour, à peine voilés.
Ariane Beauvillard (CRITIKAT)
Plans Cultes
vendredi 14 février
à 20h00
SPÉCIALE SAINT VALENTIN
QUAND HARRY RENCONTRE SALLY
de Rob Reiner
avec Billy Crystal, Meg Ryan, Carrie Fisher
USA - 1989 - 1h36 - VOST - Réédition - Version restaurée 4K
Harry et Sally s'entendent comme chien et chat. Après la fac ils prennent la même destination, New York, mais ne se reverront que cinq ans plus tard, par hasard, dans un aéroport. Chacun a fait sa vie, ils se sont fiancés. Cinq ans passent encore, ils se rencontrent à nouveau. Tous deux viennent de rompre et dans cette étape difficile, ils se découvrent une vraie amitié. La complicité les rapproche à tel point qu'ils finissent par admettre, ce que leurs amis savaient déjà : ils sont faits l'un pour l'autre.
A PROPOS
Il n’est pas de genre mineur… Et pourtant, le mépris pour la comédie sentimentale a la vie dure. Il ne s’agit évidemment pas de faire entrer Quand Harry rencontre Sally dans un modèle cinématographique parfait. Mais peu de films ont montré avec autant d’humour que la comédie sentimentale décalée a été américaine, notamment en l’an de grâce 1989, avant de devenir, après quelques mariages et quelques enterrements, anglaise.
Depuis quelques années, le nom de Nora Ephron en tant que scénariste fait peur : Vous avez un message et Ma sorcière bien-aimée ne feront sans nul doute jamais partie d’un quelconque panthéon. Le nom de Rob Reiner évoque malheureusement davantage les égarements pitoyables de La rumeur court… ou de Sans plus attendre, que les charmantes fantaisies de sa Princess Bride de 1987. Il est assez clair que Quand Harry rencontre Sally fait partie des fulgurances de ses deux auteurs. À partir d’un scénario banal ?un homme et une femme se détestent, se cherchent avant que Cupidon ne s’en mêle?, Ephron et Reiner ont réussi à utiliser les ressorts du comique pour faire d’un topos dramatique une délicieuse comédie rythmée et farfelue. On aurait tort de résumer le film à sa scène culte d’orgasme mimé chez Katz’s… En effet, les errements d’Harry et Sally regorgent de petits détails qui forgent non seulement chacun des personnages avec acuité et humour, mais créent un ton, ni révolutionnaire, ni simplement gentillet, un ton décalé.
Comme dans la comédie classique, il s’agit ici de détourner les clichés de la romance les plus en vue dans la comédie de rires et de larmes, par le dialogue, la position des corps, la mise en place d’un dispositif : il n’y a pas d’étude psychologique dans Quand Harry rencontre Sally, les deux protagonistes se définissent eux-mêmes, très visuellement, par leurs tics, leurs obsessions. Les deux scènes d’ouverture sont en cela des concentrés d’ironie : Sally ne sort de la voiture pour aller dans un dinner d’autoroute qu’après s’être aspergée de laque ; Harry, tout en développant ses « théories » sur la vie, l’amour, la mort, crache ses pépins de raisin par la fenêtre sans que celle-ci soit ouverte… Bien qu’il soit évident dès le départ que les deux êtres vivront bien plus qu’une drôle de rencontre, on ne nous montre que leurs aspects négatifs, titillants, propices à la création d’une atmosphère qui se rapproche davantage de la farce que de la romance à proprement parler. Faire rire avant de faire rêver niaisement… Il semble que le projet détienne la clé d’une forme de réussite.
La référence première est donc cette comédie classique jouant davantage de l’imagination, de la mise en espace des situations dans des cadres restreints : le MET, Central Park ?dans une scène évidemment classée comme une des plus alleniennes du film?, le restaurant, le lit ; en bref, les lieux où l’on échange matières verbales et matières sensuelles. La bonne idée de Quand Harry rencontre Sally n’est donc pas tellement de mener à bien le propos de la comédie romantique ?le happy end, dont on ne doute quasiment jamais- mais de le transformer en prétexte permanent à détournements comiques : il suffit de se laisser attendrir quelques secondes sur la scène de clôture pour être ramené dans le droit chemin par une pirouette finale, une fois n’est pas coutume, savoureuse. Depuis, beaucoup ont tenté de retrouver cette pointe, cette légèreté à peine feinte, y compris les propres créateurs du film. Mais il est clair que lorsque l’on rencontre Harry ou Sally, cela n’arrive qu’une fois. Ne boudons donc pas notre plaisir de midinette un brin exigeante, et profitons de l’hiver pour retrouver quelques parfums de mi-saison new-yorkais, et d’amour, à peine voilés.
Ariane Beauvillard (CRITIKAT)