ÉVÉNEMENTS ET SÉANCES SPECIALES

A PROPOS
Il y a des films qui tombent à pic. Fanon, de Jean-Claude Barny est de ceux-là.
Dès l'ouverture, un coup de feu claque, nous arrachant au confort de nos sièges pour nous jeter au cœur du fracas colonial. Nous sommes en pleine guerre d’Algérie. Puis ces mots de Fanon s’imposent à l’écran : « Chaque génération doit, dans une relative opacité, affronter sa mission : la remplir ou la trahir. » Le ton est donné.
Il fallait ce film pour rappeler que Fanon n’est pas qu’un nom sur une page d’universitaire, mais un corps, une voix, un combat. En France, il reste un grand absent. On cite son nom, mais qui sait encore ce qu’il a dit, écrit, défendu ? Barny retrace l’itinéraire de ce Martiniquais devenu l’une des figures de la lutte algérienne, psychiatre et penseur dont l’œuvre est un cri contre toutes les oppressions.
En ces temps où l’on suspend un journaliste pour avoir rappelé les crimes coloniaux, que des documentaires sur l’Algérie disparaissent des écrans, Fanon pose une question dérangeante: que faisons-nous de notre histoire coloniale ?
Car nous vivons à l'ère de la post-vérité, où les faits historiques deviennent secondaires face aux récits que l'on fabrique, aux émotions que l'on manipule, aux vérités que l'on adapte. Barny nous ramène à l’essentiel : l’histoire, les luttes, la réalité brute de la colonisation et de ses séquelles.
Peau Noire, Masques Blancs n’est jamais loin, ce texte de jeunesse, cette thèse refusée, qui demeure une boussole pour quiconque cherche à comprendre la mécanique implacable de la colonisation. Barny le filme, littéralement. À travers la figure d’un Fanon médecin, psychiatre à Blida, où les murs de l’hôpital bruissent de la violence coloniale, où soigner signifie résister. Là, dans ce lieu censé réparer les âmes, Fanon comprend que la psychiatrie coloniale est aussi une arme pour maintenir l’oppression.
Mais Fanon est avant tout un film d’introspection. Un homme qui doute, qui pense, qui écrit. Aux côtés de Josie, son épouse, et d’Olivier, leur fils né à Alger, il s’ancre dans une vie familiale, loin du mythe figé.
Barny parsème son film d’allégories qui interrogent. Ce crabe, sur lequel Fanon tire enfant, est-ce la maladie tapie en lui, ou le mal colonial qui gangrène les corps et les âmes ? Cette mangrove suspendue au mur d’Alger, miroir de ses racines martiniquaises ou dédale intérieur où se perdent ses patients ? Et cette mer face à lui au moment ultime, serait-elle l’exil, le passage du milieu, l’histoire des opprimés ? Jean-Claude Barny nous pousse à regarder au-delà des images.
En cette année du centenaire de Frantz Fanon, le film de Jean-Claude Barny ne se contente pas d’un hommage. Il ravive une pensée toujours brûlante, qui éclaire nos sociétés et leurs rapports aux dominations passées et présentes.
Barny filme un Fanon vivant et insoumis car l’histoire ne s’efface pas et une société ne se construit pas sur l’oubli. Ce film est un rappel : chaque génération doit affronter sa mission. Mais la nôtre en est-elle digne ?
Éléonore Bassop (Blog de Médiapart)
Soirée spéciale
jeudi 3 avril
à 20h00
présentée par Dominique Fraboulet, psychanalyste, membre de l'Ecole de la Cause Freudienne
FANON
de Jean-Claude Barny
avec Alexandre Bouyer, Déborah François, Stanislas Merhar
FRANCE - 2025 - 2h13
Frantz Fanon, un psychiatre français originaire de la Martinique vient d’être nommé chef de service à l’hôpital psychiatrique de Blida en Algérie. Ses méthodes contrastent avec celles des autres médecins dans un contexte de colonisation.
https://www.eurozoom.fr/fanon
A PROPOS
Il y a des films qui tombent à pic. Fanon, de Jean-Claude Barny est de ceux-là.
Dès l'ouverture, un coup de feu claque, nous arrachant au confort de nos sièges pour nous jeter au cœur du fracas colonial. Nous sommes en pleine guerre d’Algérie. Puis ces mots de Fanon s’imposent à l’écran : « Chaque génération doit, dans une relative opacité, affronter sa mission : la remplir ou la trahir. » Le ton est donné.
Il fallait ce film pour rappeler que Fanon n’est pas qu’un nom sur une page d’universitaire, mais un corps, une voix, un combat. En France, il reste un grand absent. On cite son nom, mais qui sait encore ce qu’il a dit, écrit, défendu ? Barny retrace l’itinéraire de ce Martiniquais devenu l’une des figures de la lutte algérienne, psychiatre et penseur dont l’œuvre est un cri contre toutes les oppressions.
En ces temps où l’on suspend un journaliste pour avoir rappelé les crimes coloniaux, que des documentaires sur l’Algérie disparaissent des écrans, Fanon pose une question dérangeante: que faisons-nous de notre histoire coloniale ?
Car nous vivons à l'ère de la post-vérité, où les faits historiques deviennent secondaires face aux récits que l'on fabrique, aux émotions que l'on manipule, aux vérités que l'on adapte. Barny nous ramène à l’essentiel : l’histoire, les luttes, la réalité brute de la colonisation et de ses séquelles.
Peau Noire, Masques Blancs n’est jamais loin, ce texte de jeunesse, cette thèse refusée, qui demeure une boussole pour quiconque cherche à comprendre la mécanique implacable de la colonisation. Barny le filme, littéralement. À travers la figure d’un Fanon médecin, psychiatre à Blida, où les murs de l’hôpital bruissent de la violence coloniale, où soigner signifie résister. Là, dans ce lieu censé réparer les âmes, Fanon comprend que la psychiatrie coloniale est aussi une arme pour maintenir l’oppression.
Mais Fanon est avant tout un film d’introspection. Un homme qui doute, qui pense, qui écrit. Aux côtés de Josie, son épouse, et d’Olivier, leur fils né à Alger, il s’ancre dans une vie familiale, loin du mythe figé.
Barny parsème son film d’allégories qui interrogent. Ce crabe, sur lequel Fanon tire enfant, est-ce la maladie tapie en lui, ou le mal colonial qui gangrène les corps et les âmes ? Cette mangrove suspendue au mur d’Alger, miroir de ses racines martiniquaises ou dédale intérieur où se perdent ses patients ? Et cette mer face à lui au moment ultime, serait-elle l’exil, le passage du milieu, l’histoire des opprimés ? Jean-Claude Barny nous pousse à regarder au-delà des images.
En cette année du centenaire de Frantz Fanon, le film de Jean-Claude Barny ne se contente pas d’un hommage. Il ravive une pensée toujours brûlante, qui éclaire nos sociétés et leurs rapports aux dominations passées et présentes.
Barny filme un Fanon vivant et insoumis car l’histoire ne s’efface pas et une société ne se construit pas sur l’oubli. Ce film est un rappel : chaque génération doit affronter sa mission. Mais la nôtre en est-elle digne ?
Éléonore Bassop (Blog de Médiapart)