ÉVÉNEMENTS ET SÉANCES SPECIALES
A PROPOS
Dans un bâtiment contrôlé par des terroristes, le héros se fraie un chemin, flingue en main, topographie des lieux en tête et un marcel vite souillé comme uniforme. Piège de cristal ? Non, White House down en 2013, avec Channing Tatum à la place de Bruce Willis. Un quart de siècle plus tard, le chef-d’œuvre de John McTiernan est un horizon indépassable du cinéma d’action. On le retrouve compressé dans la série 24 Heures Chrono (un épisode de la saison 5 où Jack Bauer se retrouve dans le conduit d’aération d’un aéroport attaqué) ou dégraissé dans The Raid (Piège de cristal avec des coups de pied).
La malédiction de John McLane est d’être au mauvais endroit, au mauvais moment. Le timing du film dans l’histoire de l’entertainment est par contre impeccable. Piège de cristal est très américain, mais piégé de l’intérieur, à l’image de son scénario de western, de défense d’un territoire/propriété qui est l’essence du genre. Traité avec mépris de “cowboy”, McLane est tout seul dans un Fort Alamo eighties (un gratte-ciel, en fait propriété de Japonais), assiégé par les flics et infiltré par des Européens : le chef op hollandais Jan de Bont, futur réalisateur de Speed (Die Hard dans un bus), et les méchants du Vieux Continent, menés par Alan Rickman dont l’élégance, suspecte, contraste avec le côté working class de Willis.
Connu alors pour son humour et son charme dans la série Clair de lune, Bruce Willis proposait une alternative séduisante à Stallone et Schwarzie : moins bodybuildé, plus sarcastique et mordant, qui n’a pas du tout envie d’être là mais fait son job. Quelqu’un à qui le public peut mieux s’identifier. Si le cinéma d’action US de l’époque symbolisait le reaganisme (la réussite individuelle hypertrophiée), John McLane annonçait l’hyperpuissance US soft des Clinton ou Obama, maîtres des bombes atomiques et des drones, mais cool. Bruce ouvrira aussi la voie à Matt Damon (la série des Jason Bourne) et Chris Pratt (Les Gardiens de la galaxie), qu’on n’aurait pas forcément vu mouiller leur chemise pour sauver le monde.
Dans les années 90, Piège de cristal verra une flopée d’épigones vouloir copier la formule “un lieu/un héros” : Piège en haute mer, Mort subite, Passager 57… Mais aucun n’aura sa fluidité de mise en scène, ses scènes lisibles et soigneusement éclairées – flammes de briquet ou d’explosion, à l’ombre d’un store ou dans la fumée, McTiernan a l’œil précis. Steven Seagal ou Jean-Claude Van Damme n’auront pas l’humanité lasse de McLane.
Ironiquement, les héritiers directs les plus efficaces de McT/McLane seront européens, avec de Bont ou le Finlandais Renny Harlin (Cliffhanger). Ce dernier signera la suite de Piège de cristal, 58 minutes pour vivre, en un peu plus cartoon. Les futurs épisodes (le 4 et le 5 surtout) confirmeront que McLane, ici de chair et de sang, était prêt à se désincarner comme tout le cinéma d’action. Tout était programmé autour de lui : les surfaces de verre comme des écrans, les niveaux labyrinthiques à franchir, l’équipement à récolter, le joueur solo… Piège de cristal annonçait le first person shooter. Le jeu vidéo moderne.
Leo Soesanto (Les Inrockuptibles)
Plans Cultes
mardi 17 décembre
à 20h00
SPÉCIAL NOËL
PIÈGE DE CRISTAL
de John McTiernan
avec Bruce Willis, Alan Rickman, Alexander Godunov
USA - 1988 - 2h12 - VOST - Réédition - Version restaurée 4K
John McClane, policier new-yorkais, est venu rejoindre sa femme Holly, dont il est séparé depuis plusieurs mois, pour les fêtes de Noël dans le secret espoir d'une réconciliation. Celle-ci est cadre dans une multinationale japonaise, la Nakatomi Corporation. Son patron, M. Takagi, donne une soirée en l'honneur de ses employés, à laquelle assiste McClane. Tandis qu'il s'isole pour téléphoner, un commando investit l'immeuble et coupe toutes les communications avec l'extérieur...
A PROPOS
Dans un bâtiment contrôlé par des terroristes, le héros se fraie un chemin, flingue en main, topographie des lieux en tête et un marcel vite souillé comme uniforme. Piège de cristal ? Non, White House down en 2013, avec Channing Tatum à la place de Bruce Willis. Un quart de siècle plus tard, le chef-d’œuvre de John McTiernan est un horizon indépassable du cinéma d’action. On le retrouve compressé dans la série 24 Heures Chrono (un épisode de la saison 5 où Jack Bauer se retrouve dans le conduit d’aération d’un aéroport attaqué) ou dégraissé dans The Raid (Piège de cristal avec des coups de pied).
La malédiction de John McLane est d’être au mauvais endroit, au mauvais moment. Le timing du film dans l’histoire de l’entertainment est par contre impeccable. Piège de cristal est très américain, mais piégé de l’intérieur, à l’image de son scénario de western, de défense d’un territoire/propriété qui est l’essence du genre. Traité avec mépris de “cowboy”, McLane est tout seul dans un Fort Alamo eighties (un gratte-ciel, en fait propriété de Japonais), assiégé par les flics et infiltré par des Européens : le chef op hollandais Jan de Bont, futur réalisateur de Speed (Die Hard dans un bus), et les méchants du Vieux Continent, menés par Alan Rickman dont l’élégance, suspecte, contraste avec le côté working class de Willis.
Connu alors pour son humour et son charme dans la série Clair de lune, Bruce Willis proposait une alternative séduisante à Stallone et Schwarzie : moins bodybuildé, plus sarcastique et mordant, qui n’a pas du tout envie d’être là mais fait son job. Quelqu’un à qui le public peut mieux s’identifier. Si le cinéma d’action US de l’époque symbolisait le reaganisme (la réussite individuelle hypertrophiée), John McLane annonçait l’hyperpuissance US soft des Clinton ou Obama, maîtres des bombes atomiques et des drones, mais cool. Bruce ouvrira aussi la voie à Matt Damon (la série des Jason Bourne) et Chris Pratt (Les Gardiens de la galaxie), qu’on n’aurait pas forcément vu mouiller leur chemise pour sauver le monde.
Dans les années 90, Piège de cristal verra une flopée d’épigones vouloir copier la formule “un lieu/un héros” : Piège en haute mer, Mort subite, Passager 57… Mais aucun n’aura sa fluidité de mise en scène, ses scènes lisibles et soigneusement éclairées – flammes de briquet ou d’explosion, à l’ombre d’un store ou dans la fumée, McTiernan a l’œil précis. Steven Seagal ou Jean-Claude Van Damme n’auront pas l’humanité lasse de McLane.
Ironiquement, les héritiers directs les plus efficaces de McT/McLane seront européens, avec de Bont ou le Finlandais Renny Harlin (Cliffhanger). Ce dernier signera la suite de Piège de cristal, 58 minutes pour vivre, en un peu plus cartoon. Les futurs épisodes (le 4 et le 5 surtout) confirmeront que McLane, ici de chair et de sang, était prêt à se désincarner comme tout le cinéma d’action. Tout était programmé autour de lui : les surfaces de verre comme des écrans, les niveaux labyrinthiques à franchir, l’équipement à récolter, le joueur solo… Piège de cristal annonçait le first person shooter. Le jeu vidéo moderne.
Leo Soesanto (Les Inrockuptibles)