ÉVÉNEMENTS ET SÉANCES SPECIALES

A PROPOS
Le cinéma allemand s’intéresse de plus en plus à la période nazie. Ce qui restait naguère exceptionnel (Lili Marleen de Fassbinder) est devenu plus courant depuis les années 2000. On pourrait citer plusieurs films, certains remarquables, tels Sophie Scholl, les derniers jours, La chute, La conférence et le documentaire Leni Riefenstahl, la lumière et les ombres. Dans la même veine s’inscrit La fabrique du mensonge, second long métrage de fiction de Joachim Lang, diplômé de littérature et d’histoire, dont certains avaient pu découvrir son film sur Brecht (Mack The Knife – Brecht’s Threepenny Film). Écrit en collaboration avec l’historien Thomas Weber, qui a joué un rôle de consultant, le scénario se concentre sur la période 1938-45 et traite la problématique suivante : comment tout un peuple (ou presque) a-t-il pu cautionner la politique de haine, belliciste et génocidaire d’Hitler, marquée par l’idéologie la plus ouvertement raciste de l’Histoire ? C’est donc par le biais du personnage clef de Goebbels qu’est axée la narration.
Utilisant tous les outils de communication de l’époque (presse écrite, discours publics, cinéma, radio…), le « docteur » a réussi à influencer considérablement l’opinion publique germanique. Le film nous avertit dès le début du générique qu’adopter le point de vue de Goebbels a pour but de mieux comprendre les causes des horreurs dont il a été un coupable majeur, afin d’établir un parallèle avec les tentations autoritaristes actuelles, et leur lot de désinformations et fake news. Les notes de production du dossier de presse précisent d’ailleurs : « Notre film brise les tabous et aborde ce sujet d’une manière inédite : nous montrons la perspective des auteurs de ces crimes. Ce n’est qu’en examinant de près les plus grands criminels de l’histoire de l’humanité – parfois dans leur intimité – que nous pouvons faire tomber les masques, rendre transparents les mécanismes de la démagogie et désarmer les agitateurs contemporains ». La démarche est appréciable, à la fois ambitieuse et limpide.
Et ce long métrage intéressera les amateurs de cinéma tout autant que d’Histoire, en évitant (sauf dans quelques séquences) les pièges du didactisme et de la tentation de l’exhaustivité « Wikipédia » (le péché mignon de nombreux réalisateurs de biopic). En superposant scènes de fiction et archives (sur les protagonistes, mais aussi les victimes de l’Holocauste), Joachim Lang confirme la maîtrise de son sujet, même si le procédé devient un peu redondant (surtout sur la fin). Mais on apprécie ce film classique sans être académique, dont les aspects romanesques ne sont pas superficiels au récit : on songe en particulier au moment où Goebbels envisage de quitter son épouse pour se remarier avec la star de cinéma tchèque Lída Baarová, manquant de provoquer une crise de régime… À l’heure où les populismes en tout genre pullulent sur la planète, via notamment les réseaux sociaux, un tel film, doté de qualités même s’il ne révolutionne pas les codes du septième art, est donc tout à fait recommandable.
Gérard Crespo (avoiralire.com)
Séance Spéciale
mardi 25 mars
à 20h00
Présentation par Alain Jacobzone, historien
Tarif Printemps du cinéma : 5€
Séance organisée en collaboration avec l'Université d'Angers et Cinéma Parlant dans le cadre de la semaine de cinéma de langue allemande
LA FABRIQUE DU MENSONGE
de Joachim Lang
avec Robert Stadlober, Fritz Karl, Franziska Weisz
ALLEMAGNE - 2024 - 2h04 - Version originale sous titrée
A l'aube de la Seconde Guerre mondiale, Joseph Goebbels est devenu l'éminence grise d'Hitler. Convaincu que la domination du Reich passe par des méthodes de manipulation radicalement nouvelles, le ministre de la Propagande contrôle les médias et électrise les foules. Au point de transformer les défaites en victoires et le mensonge en vérité. Avec le plein soutien du Führer, Goebbels va bâtir la plus sophistiquée des illusions, quitte à précipiter les peuples vers l'abîme.
https://www.condor-films.fr/film/la-fabrique-du-mensonge/
A PROPOS
Le cinéma allemand s’intéresse de plus en plus à la période nazie. Ce qui restait naguère exceptionnel (Lili Marleen de Fassbinder) est devenu plus courant depuis les années 2000. On pourrait citer plusieurs films, certains remarquables, tels Sophie Scholl, les derniers jours, La chute, La conférence et le documentaire Leni Riefenstahl, la lumière et les ombres. Dans la même veine s’inscrit La fabrique du mensonge, second long métrage de fiction de Joachim Lang, diplômé de littérature et d’histoire, dont certains avaient pu découvrir son film sur Brecht (Mack The Knife – Brecht’s Threepenny Film). Écrit en collaboration avec l’historien Thomas Weber, qui a joué un rôle de consultant, le scénario se concentre sur la période 1938-45 et traite la problématique suivante : comment tout un peuple (ou presque) a-t-il pu cautionner la politique de haine, belliciste et génocidaire d’Hitler, marquée par l’idéologie la plus ouvertement raciste de l’Histoire ? C’est donc par le biais du personnage clef de Goebbels qu’est axée la narration.
Utilisant tous les outils de communication de l’époque (presse écrite, discours publics, cinéma, radio…), le « docteur » a réussi à influencer considérablement l’opinion publique germanique. Le film nous avertit dès le début du générique qu’adopter le point de vue de Goebbels a pour but de mieux comprendre les causes des horreurs dont il a été un coupable majeur, afin d’établir un parallèle avec les tentations autoritaristes actuelles, et leur lot de désinformations et fake news. Les notes de production du dossier de presse précisent d’ailleurs : « Notre film brise les tabous et aborde ce sujet d’une manière inédite : nous montrons la perspective des auteurs de ces crimes. Ce n’est qu’en examinant de près les plus grands criminels de l’histoire de l’humanité – parfois dans leur intimité – que nous pouvons faire tomber les masques, rendre transparents les mécanismes de la démagogie et désarmer les agitateurs contemporains ». La démarche est appréciable, à la fois ambitieuse et limpide.
Et ce long métrage intéressera les amateurs de cinéma tout autant que d’Histoire, en évitant (sauf dans quelques séquences) les pièges du didactisme et de la tentation de l’exhaustivité « Wikipédia » (le péché mignon de nombreux réalisateurs de biopic). En superposant scènes de fiction et archives (sur les protagonistes, mais aussi les victimes de l’Holocauste), Joachim Lang confirme la maîtrise de son sujet, même si le procédé devient un peu redondant (surtout sur la fin). Mais on apprécie ce film classique sans être académique, dont les aspects romanesques ne sont pas superficiels au récit : on songe en particulier au moment où Goebbels envisage de quitter son épouse pour se remarier avec la star de cinéma tchèque Lída Baarová, manquant de provoquer une crise de régime… À l’heure où les populismes en tout genre pullulent sur la planète, via notamment les réseaux sociaux, un tel film, doté de qualités même s’il ne révolutionne pas les codes du septième art, est donc tout à fait recommandable.
Gérard Crespo (avoiralire.com)