ÉVÉNEMENTS ET SÉANCES SPECIALES
A PROPOS
Coécrit avec Bérénice Bocquillon et Faïza Guène, La Pampa est le premier long métrage d’Antoine Chevrollier. Auparavant, cet autodidacte en cinéma avait été l’assistant d’Éric Rochant, qui lui avait confié la réalisation de scènes de la série télévisée Le bureau des légendes. Il avait ensuite réalisé Baron noir puis créé Oussekine. La Pampa est une réussite totale. Pourtant, les premières scènes pouvaient laisser présager un énième film sur les gamins déshérités de province : profusion du langage djeun, cadre naturaliste, discours sur l’exclusion, quelque part entre Rodéo et Les pires, films estimables au demeurant. Il n’en est heureusement rien et Antoine Chevrollier déjoue tous les clichés d’un certain cinéma d’auteur français. Il faut dire qu’il connaît très bien l’environnement décrit dans la narration, à commencer par l’univers du moto-cross, qui l’a intrigué lo
Dans un entretien avec Marilou Duponchel, sur le site de la Semaine de la Critique où La Pampa a été présenté, Antoine Chevrollier a ainsi pu préciser : « Le film vient d’une discussion à une terrasse de café avec un ami et au cours de laquelle est revenu à mon esprit ce terrain (…) qui se trouve dans le village où j’ai grandi. C’est un terrain de moto-cross qui générait beaucoup de fantasmes à mes yeux à l’époque. C’est un sport qui coûte cher mais ne rapporte pas grand-chose (…). Le fantasme n’était pas tant lié à la pratique qu’à ce qu’elle générait en virilisme exacerbé avec tous ces hommes, et ces femmes d’ailleurs aussi, qui jouaient très bien le jeu du patriarcat, de la masculinité toxique. Ça me fascinait. Je l’ai plus tard déconstruit. » Pourtant, nul discours démonstratif et moralisateur dans la démarche du réalisateur. Le récit propose une belle rupture avec la révélation d’un secret qui va déstabiliser tous les personnages. Le jeune Willy (Sayyid El Alami) culpabilise à l’idée de ne pas pouvoir aider son ami Jojo (Amaury Foucher), qui sera victime de cyber-harcèlement. Ce dernier entre en conflit ouvert avec son père (le toujours excellent Damien Bonnard), qui refuse la vérité sur son fils. Il est d’ailleurs surprenant que le film ait de nombreux points communs avec Trois kilomètres jusqu’à la fin du monde, présenté en compétition officielle cannoise la même année, et lauréat de la Queer Palm.
Le long métrage pose des questions pertinentes sur les limites du pouvoir parental, l’ambiguïté de la notion d’accomplissement par le sport, et la difficulté à concilier son libre arbitre avec le maintien d’un ordre social pouvant paraître archaïque. Mais le cinéaste n’assène aucun dialogue ouvertement explicatif, laissant le spectateur percevoir la subtilité de ses intentions. La Pampa bénéficie aussi d’une touche émotionnelle appréciable que l’on n’avait plus trouvée au cinéma depuis Close. Comme Lukas Dhont, Antoine Chevrollier n’a pas recours à des procédés tire-larmes, préférant distiller l’émotion avec une délicatesse qui est la marque des plus grands. La Pampa dénote également un sens affiné du filmage : en attestent notamment les prises de vue lors de la compétition finale. Il n’est pas superflu d’ajouter qu’Antoine Chevrollier est aussi un remarquable directeur d’acteurs : outre les comédiens déjà cités, on peut souligner la qualité de jeu de Florence Janas en mère dépassée par les événements, Artus en coach pris dans un terrible dilemme, ou Mathieu Demy en beau-père bienveillant mais ne parvenant pas à se faire accepter. La Pampa donne donc envie de découvrir la suite de la filmographie d’un réalisateur talentueux et prometteur.
Gérard Crespo (avoiralire.com)
Ciné Rencontre
jeudi 6 février
à 20h00
En présence de Antoine Chevrollier, réalisateur
Cinéaste natif de Longué, Antoine Chevrollier, réalisateur entre autres des séries "Baron noir", "Le bureau des légendes" et "Oussekine", a réalisé en grande partie son premier long-métrage à Longué-Jumelles et dans le Saumurois en juin 2023.
Soirée organisée en collaboration avec Cinéma Parlant
LA PAMPA
de Antoine Chevrollier
Avec Sayyid El Alami, Amaury Foucher, Damien Bonnard, Artus...
FRANCE - 2024 - 1h43
Willy et Jojo sont amis d'enfance et ne se quittent jamais. Pour tuer l'ennui, ils s'entraînent à la Pampa, un terrain de motocross. Un soir, Willy découvre le secret de Jojo.
https://tandemfilms.fr/film/la-pampa
A PROPOS
Coécrit avec Bérénice Bocquillon et Faïza Guène, La Pampa est le premier long métrage d’Antoine Chevrollier. Auparavant, cet autodidacte en cinéma avait été l’assistant d’Éric Rochant, qui lui avait confié la réalisation de scènes de la série télévisée Le bureau des légendes. Il avait ensuite réalisé Baron noir puis créé Oussekine. La Pampa est une réussite totale. Pourtant, les premières scènes pouvaient laisser présager un énième film sur les gamins déshérités de province : profusion du langage djeun, cadre naturaliste, discours sur l’exclusion, quelque part entre Rodéo et Les pires, films estimables au demeurant. Il n’en est heureusement rien et Antoine Chevrollier déjoue tous les clichés d’un certain cinéma d’auteur français. Il faut dire qu’il connaît très bien l’environnement décrit dans la narration, à commencer par l’univers du moto-cross, qui l’a intrigué lo
Dans un entretien avec Marilou Duponchel, sur le site de la Semaine de la Critique où La Pampa a été présenté, Antoine Chevrollier a ainsi pu préciser : « Le film vient d’une discussion à une terrasse de café avec un ami et au cours de laquelle est revenu à mon esprit ce terrain (…) qui se trouve dans le village où j’ai grandi. C’est un terrain de moto-cross qui générait beaucoup de fantasmes à mes yeux à l’époque. C’est un sport qui coûte cher mais ne rapporte pas grand-chose (…). Le fantasme n’était pas tant lié à la pratique qu’à ce qu’elle générait en virilisme exacerbé avec tous ces hommes, et ces femmes d’ailleurs aussi, qui jouaient très bien le jeu du patriarcat, de la masculinité toxique. Ça me fascinait. Je l’ai plus tard déconstruit. » Pourtant, nul discours démonstratif et moralisateur dans la démarche du réalisateur. Le récit propose une belle rupture avec la révélation d’un secret qui va déstabiliser tous les personnages. Le jeune Willy (Sayyid El Alami) culpabilise à l’idée de ne pas pouvoir aider son ami Jojo (Amaury Foucher), qui sera victime de cyber-harcèlement. Ce dernier entre en conflit ouvert avec son père (le toujours excellent Damien Bonnard), qui refuse la vérité sur son fils. Il est d’ailleurs surprenant que le film ait de nombreux points communs avec Trois kilomètres jusqu’à la fin du monde, présenté en compétition officielle cannoise la même année, et lauréat de la Queer Palm.
Le long métrage pose des questions pertinentes sur les limites du pouvoir parental, l’ambiguïté de la notion d’accomplissement par le sport, et la difficulté à concilier son libre arbitre avec le maintien d’un ordre social pouvant paraître archaïque. Mais le cinéaste n’assène aucun dialogue ouvertement explicatif, laissant le spectateur percevoir la subtilité de ses intentions. La Pampa bénéficie aussi d’une touche émotionnelle appréciable que l’on n’avait plus trouvée au cinéma depuis Close. Comme Lukas Dhont, Antoine Chevrollier n’a pas recours à des procédés tire-larmes, préférant distiller l’émotion avec une délicatesse qui est la marque des plus grands. La Pampa dénote également un sens affiné du filmage : en attestent notamment les prises de vue lors de la compétition finale. Il n’est pas superflu d’ajouter qu’Antoine Chevrollier est aussi un remarquable directeur d’acteurs : outre les comédiens déjà cités, on peut souligner la qualité de jeu de Florence Janas en mère dépassée par les événements, Artus en coach pris dans un terrible dilemme, ou Mathieu Demy en beau-père bienveillant mais ne parvenant pas à se faire accepter. La Pampa donne donc envie de découvrir la suite de la filmographie d’un réalisateur talentueux et prometteur.
Gérard Crespo (avoiralire.com)