ÉVÉNEMENTS ET SÉANCES SPECIALES
A PROPOS
Dans un documentaire culotté, des chômeurs nordistes jouent un bon tour au patron de LVMH, fossoyeur d’emplois de la région.
Après avoir fondé Fakir, un journal satirique du Nord de tendance libertaire, François Ruffin se lance dans le cinéma avec un documentaire pugnace à la Michael Moore. Tout comme ce dernier s’en prenait, dans Roger et moi (1989), au pdg de General Motors qui avait mis toute la ville de Flint au chômage, Ruffin s’attaque sur le mode de la dérision à Bernard Arnault, directeur de LVMH, coupable selon lui d’avoir participé au démantèlement du tissu industriel du nord de la France en fermant et délocalisant des usines textiles.
Dans le cas présent, Arnault a déplacé en Pologne l’usine Kenzo de Poix-du-Nord. Ruffin rend visite à divers chômeurs victimes de cette fermeture, jusqu’au jour où il rencontre la famille Klur, à deux doigts de l’expulsion à cause d’une dette d’assurance qu’elle ne peut pas payer. Ruffin, qui n’a peur de rien, conçoit alors avec cette famille un stratagème pour extorquer la somme à Arnault (une goutte d’eau pour la deuxième fortune de France).
Contre toute attente, la manœuvre fonctionne et le couple est sauvé. Au-delà du résultat, de la revanche de classe, le ton véritablement farcesque du documentaire le distingue du tout-venant des films sociopolitiques. Il y a un vrai sens de la mise en scène dans les tractations du couple Klur avec un émissaire d’Arnault.
Comme dans toutes les bonnes farces, on feinte et on se déguise. Lors des entrevues, Ruffin – avec les cheveux décolorés et des lentilles de contact – se fait passer avec un aplomb incroyable pour le fils Klur. L’émissaire ne reconnaît pas Ruffin, qu’il avait pourtant expulsé peu de temps avant d’une réunion d’actionnaires de LVMH.
Ces visites sont filmées en caméra cachée. L’envoyé d’Arnault insiste bien sur la confidentialité de ce don : il sera caduc s’il est divulgué. Ce que l’émissaire ne sait pas, c’est que d’un autre côté un conseiller d’Arnault va vendre la mèche en déclarant à découvert devant la caméra de Ruffin que son patron s’est personnellement occupé du cas des Klur. La clause de confidentialité vole en éclats…
A côté de la réflexion sociale réelle, irréfutable, juste, le documentaire Merci patron ! a une dimension jouissive en détaillant sur un mode humoristique la victoire inespérée du pot de terre contre le pot de fer. Les dialogues en caméra cachée ont une truculence digne de Molière. D’ailleurs, on verrait très bien cet épisode sous forme de pièce de théâtre. On espère avoir trouvé la relève politico-satirique de Pierre Carles, qui jouait jadis le poil à gratter des puissants.
Vincent Ostria (Les Inrocks)
Ciné doc
mardi 28 juin
2016 à 20h15
En présence de David Cayla "économistes atterrés" et Gabriel Thomas ATTAC 49
Tarif unique : 4€ (Fête du cinéma)
Soirée organisée en collaboration avec Attac 49
MERCI PATRON !
de François Ruffin
Documentaire
FRANCE - 2016 - 1h30
Pour Jocelyne et Serge Klur, rien ne va plus : leur usine fabriquait des costumes Kenzo (Groupe LVMH), à Poix-du-Nord, près de Valenciennes, mais elle a été délocalisée en Pologne. Voilà le couple au chômage, criblé de dettes, risquant désormais de perdre sa maison.
C'est alors que François Ruffin, fondateur du journal Fakir, frappe à leur porte. Il est confiant : il va les sauver. Entouré d'un inspecteur des impôts belge, d'une bonne soeur rouge, de la déléguée CGT, et d'ex-vendeurs à la Samaritaine, il ira porter le cas Klur à l'assemblée générale de LVMH, bien décidé à toucher le coeur de son PDG, Bernard Arnault. Mais ces David frondeurs pourront-ils l'emporter contre un Goliath milliardaire ?
Du suspense, de l'émotion, et de la franche rigolade. Nos pieds nickelés picards réussiront-ils à duper le premier groupe de luxe au monde, et l'homme le plus riche de France ?
https://www.facebook.com/mercipatronfakir/
A PROPOS
Dans un documentaire culotté, des chômeurs nordistes jouent un bon tour au patron de LVMH, fossoyeur d’emplois de la région.
Après avoir fondé Fakir, un journal satirique du Nord de tendance libertaire, François Ruffin se lance dans le cinéma avec un documentaire pugnace à la Michael Moore. Tout comme ce dernier s’en prenait, dans Roger et moi (1989), au pdg de General Motors qui avait mis toute la ville de Flint au chômage, Ruffin s’attaque sur le mode de la dérision à Bernard Arnault, directeur de LVMH, coupable selon lui d’avoir participé au démantèlement du tissu industriel du nord de la France en fermant et délocalisant des usines textiles.
Dans le cas présent, Arnault a déplacé en Pologne l’usine Kenzo de Poix-du-Nord. Ruffin rend visite à divers chômeurs victimes de cette fermeture, jusqu’au jour où il rencontre la famille Klur, à deux doigts de l’expulsion à cause d’une dette d’assurance qu’elle ne peut pas payer. Ruffin, qui n’a peur de rien, conçoit alors avec cette famille un stratagème pour extorquer la somme à Arnault (une goutte d’eau pour la deuxième fortune de France).
Contre toute attente, la manœuvre fonctionne et le couple est sauvé. Au-delà du résultat, de la revanche de classe, le ton véritablement farcesque du documentaire le distingue du tout-venant des films sociopolitiques. Il y a un vrai sens de la mise en scène dans les tractations du couple Klur avec un émissaire d’Arnault.
Comme dans toutes les bonnes farces, on feinte et on se déguise. Lors des entrevues, Ruffin – avec les cheveux décolorés et des lentilles de contact – se fait passer avec un aplomb incroyable pour le fils Klur. L’émissaire ne reconnaît pas Ruffin, qu’il avait pourtant expulsé peu de temps avant d’une réunion d’actionnaires de LVMH.
Ces visites sont filmées en caméra cachée. L’envoyé d’Arnault insiste bien sur la confidentialité de ce don : il sera caduc s’il est divulgué. Ce que l’émissaire ne sait pas, c’est que d’un autre côté un conseiller d’Arnault va vendre la mèche en déclarant à découvert devant la caméra de Ruffin que son patron s’est personnellement occupé du cas des Klur. La clause de confidentialité vole en éclats…
A côté de la réflexion sociale réelle, irréfutable, juste, le documentaire Merci patron ! a une dimension jouissive en détaillant sur un mode humoristique la victoire inespérée du pot de terre contre le pot de fer. Les dialogues en caméra cachée ont une truculence digne de Molière. D’ailleurs, on verrait très bien cet épisode sous forme de pièce de théâtre. On espère avoir trouvé la relève politico-satirique de Pierre Carles, qui jouait jadis le poil à gratter des puissants.
Vincent Ostria (Les Inrocks)