ÉVÉNEMENTS ET SÉANCES SPECIALES

L'AMOUR ET LES FORÊTS - Cinélégende - 2025-04-28

Cinélégende - lundi 28 avril à 20h00

L'AMOUR ET LES FORÊTS de Valérie Donzelli

LE SILENCE DES AGNEAUX - Plans Cultes - 2025-05-06

Plans Cultes - mardi 06 mai à 19h45

LE SILENCE DES AGNEAUX de Jonathan Demme

SEVEN de David Fincher

PARTIR UN JOUR - Avant Première - 2025-05-13

Avant Première - mardi 13 mai à 20h00

PARTIR UN JOUR de Amélie Bonnin

PARTIR UN JOUR - Ciné Cosy - 2025-05-16

Ciné Cosy - vendredi 16 mai à 13h15

PARTIR UN JOUR de Amélie Bonnin

GOSSES DE TOKYO - Ciné concert - 2025-05-28

Ciné concert - mercredi 28 mai à 20h00

GOSSES DE TOKYO de Yasujiro Ozu

THE TRUMAN SHOW - Peter Weir

A PROPOS

Si vous êtes passé entre les mailles du filet médiatique, si vous pensez que le Truman Show attaque le président Harry Truman, ou déboulonne l’écrivain Truman Capote, vous vous fourvoyez. Mais votre ignorance est une chance. Allez voir le film les yeux fermés. Fermez-les dès maintenant. Pour ne pas risquer de voir l’affiche, qui en dit déjà trop. Et pour ne pas être tenté de lire la suite de cette critique. Car le scénario du Truman Show repose sur une idée formidable, sortie de l’imagination d’Andrew Niccol (déjà auteur du singulier Bienvenue à Gattaca), dont la révélation trop précoce peut gâcher une partie du plaisir… Maintenant, si vous pensez que l’intrigue d’un film est accessoire, vous pouvez continuer votre lecture, et répondre à la devinette suivante : comment s’appelle la ville où l’on trouve la meilleure qualité de vie sur terre, d’après une sérieuse étude publiée dans le non moins sérieux Island Times ? Quelques indices. Elle se trouve en Amérique, et il paraît que c’est la seule construction humaine visible depuis l’espace, avec la Grande Muraille de Chine. La devise municipale s’étale en latin sur un arc de triomphe bétonné : Unus pro omnibus, omnes pro uno (« un pour tous, tous pour un »). La lune y est pleine tous les soirs de l’année, projetant ses faisceaux invariables sur le noctambule égaré. La pluie, elle, est capricieuse, il arrive qu’elle tombe par cercles concentriques sur certains promeneurs plutôt que sur d’autres. L’obsession sécu- ritaire envahit jusqu’aux agences de voyage, qui osent des affiches apocalyptiques : « Méfiez-vous des terroristes et des animaux » ou « Les accidents d’avion, ça n’arrive pas qu’aux autres ». Les bus sont de vrais instituts de sondages ambulants, toujours remplis d’échantillons représentatifs de la population : un soldat, un enfant, une bonne soeur, un homme d’affaires, une mère de famille. Enfin, un homme qui n’a jamais quitté l’endroit depuis sa naissance paraît bizarrement épié par tout le monde. Il se nomme Truman Burbank. Tout l’art de Peter Weir est de ne pas résoudre cette énigme trop vite. Il commence par installer un léger climat de malaise, avec un étrange silence ambiant, et des prises de vues bancales. Comme si la caméra épousait le regard insistant de badauds à la tête penchée. Ou le coup d’oeil furtif d’espions en équilibre au-dessus des toits. Et si cette ville n’était qu’une jolie toile d’araignée construite par la CIA pour coincer Truman Burbank ? L’homme aux insensés bermudas à carreaux semble bien traqué par une armada d’agents secrets, comme le trahit cette soudaine chorégraphie involontaire sur la place de la ville : vingt passants s’arrêtent en même temps pour se toucher l’oreille ; en fait, parce que le micro qui s’y niche capte de mauvaises fréquences… Le doute est entretenu quelque temps encore par de joyeuses fausses pistes que l’on emprunte en même temps que le héros, un tout petit peu plus simplet que nous, mais pas trop Forrest Gump non plus. Jusqu’à ce que la lumière se fasse. Une lumière de carte postale, douceâtre, oran- gée. Mais une lumière qui fait très mal. Dernier avertissement au lecteur : la mèche sera vendue dans les lignes qui suivent. La ville, nommée Seahaven, n’est qu’un gigantesque studio de télévision, un décor fabriqué de toutes pièces sous une bulle monumentale. Tout y est contrôlé par un producteur imbu de sa froide et cérébrale personne, qui dirige la retransmission vingt-quatre heures sur vingt-quatre, et à l’échelle planétaire, de la moindre péripétie de la vie de Truman Burbank. Et cela dure depuis que l’homme a vu le jour, voilà trente ans. Truman ignore depuis toujours que ses faits et gestes sont captés en durée réelle par cinq mille caméras ! Il ne sait pas que ses collègues, ses voisins, sa mère, sa femme, son meilleur ami ne sont que des acteurs de sitcom qui lui jouent la comédie du siècle, au service d’une émission battant des records d’audience sur les cinq continents, depuis trois décennies. Comment Truman pourrait-il le deviner ? Le monde dans lequel il évolue est incomparable, dans tous les sens du terme : Truman n’a rien connu d’autre, donc c’est le paradis. Un paradis jamais perdu, prolongé par de petits plaisirs tout simples, qui s’offrent à lui quotidiennement. Si Truman Burbank est aussi attachant, c’est parce que Peter Weir le traite en bébé, avec la coopération assez sidérante de Jim Carrey, qui a laissé pour l’occasion ses grimaces au vestiaire (sauf une petite langue tirée, mais on lui pardonne ce caprice d’enfant qui sert le personnage). Avec son regard de Peter Pan et sa démarche d’élève du cours préparatoire, l’acteur campe un magnifique Truman sans âge, sorti d’un livre de contes. Son emploi du temps semble tenir en un mot : ré-gu-la-ri-té. Comme un nouveau-né que la routine sécurise, Truman n’est heureux que parce qu’il passe par un cérémonial rigoureusement identique dès le petit matin : lever au chant des oiseaux, réglés comme des boîtes à musique, salut aux trois voisins éternellement souriants, rangés devant la barrière comme s’ils posaient pour une photo de famille, irrésistible plaisanterie récitée sur un ton de bateleur (« Bonjour, et au cas où je ne vous reverrais pas, bonsoir et bonne nuit ! »)… L’attraction béate du spectateur pour ce trentenaire en culottes courtes, blotti dans un décor sage comme une image, propre et guilleret, qui rappelle celui de Oui-Oui, relève du même syndrome : on ne peut que regarder cet éternel enfant avec un regard d’enfant. Pas un regard naïf. Un regard ouvert, avide de découvertes, si cruelles soient-elles. Et la morale du Truman Show, abyssale, fait froid dans le dos, même si Peter Weir choisit de rire plutôt que de donner des leçons. Jusqu’à la fin, il préfère laisser Truman dans une illusion ouatée, lui interdisant la révolte que l’on attend de lui. C’est un peu comme s’il avait tourné une version comique du vertigineux Dossier 51 de Michel Deville. Reçu comme un électrochoc à la fin des années 70, ce film français suivait avec une froideur clinique la mise en lambeaux d’une vie humaine par les renseignements généraux français. Vingt ans plus tard, avec un peu moins d’audace, Peter Weir pose les mêmes questions sur la liberté individuelle. Bien sûr, la télévision est directement en ligne de mire. Une télé qui lobotomise : de la noyade de son père, Truman garde des images mièvres et grandiloquentes, imprégnées de l’esthétique dégoulinante des reality shows. Une télé qui vampirise : Truman est un homme sacrifié pour alimenter les rêves de pauvres gens, que l’identification sauve des tracas de la vie quotidienne. Peter Weir et Andrew Niccol épinglent le voyeurisme qui se pare de bonne conscience – le droit à l’information totale, sans zone d’ombre, donc sans respect de la vie privée, comme si ne pas tout savoir c’était ne rien savoir. Finalement, vous n’étiez pas si loin, si vous imaginiez que le Truman Show pouvait se référer à un président américain… Cela va encore plus loin. Quand il se mouche dans la rue, quand il achète ses journaux ou quand il entre dans une banque, Truman est filmé, quoi qu’il arrive. Fiction totale ? Dans les magasins de New York, on s’arrache aujourd’hui des caméras microscopiques que l’on peut cacher dans des lampes ou des pots de fleurs, afin de surveiller son employé de maison. Et levez un peu les yeux, la prochaine fois que vous pousserez votre chariot à la caisse du supermarché. Derrière la satire plaisante, Peter Weir laisse entrevoir un monde terrifiant, sous très haute surveillance, de Washington à Los Angeles, de Monaco à Levallois-Perret…
Marine Landrot (Télérama)

Ciné fac
jeudi 6 décembre 2012 à 20h15

présenté par Louis Mathieu, enseignant en cinéma audiovisuel

Soirée organisée en collaboration avec Cinéma Parlant


THE TRUMAN SHOW

de Peter Weir

avec Jim Carrey, Ed Harris, Laura Linney...
USA - 1998 - 1h43 - version originale sous titrée

Truman Burbank mène une vie calme et heureuse. Il habite dans un petit pavillon propret de la radieuse station balnéaire de Seahaven. Il part tous les matins à son bureau d'agent d'assurances dont il ressort huit heures plus tard pour regagner son foyer, savourer le confort de son habitat modèle, la bonne humeur inaltérable et le sourire mécanique de sa femme, Meryl. Mais parfois, Truman étouffe sous tant de bonheur et la nuit l'angoisse le submerge. Il se sent de plus en plus étranger, comme si son entourage jouait un rôle. Pis encore, il se sent observé.

A PROPOS

Si vous êtes passé entre les mailles du filet médiatique, si vous pensez que le Truman Show attaque le président Harry Truman, ou déboulonne l’écrivain Truman Capote, vous vous fourvoyez. Mais votre ignorance est une chance. Allez voir le film les yeux fermés. Fermez-les dès maintenant. Pour ne pas risquer de voir l’affiche, qui en dit déjà trop. Et pour ne pas être tenté de lire la suite de cette critique. Car le scénario du Truman Show repose sur une idée formidable, sortie de l’imagination d’Andrew Niccol (déjà auteur du singulier Bienvenue à Gattaca), dont la révélation trop précoce peut gâcher une partie du plaisir… Maintenant, si vous pensez que l’intrigue d’un film est accessoire, vous pouvez continuer votre lecture, et répondre à la devinette suivante : comment s’appelle la ville où l’on trouve la meilleure qualité de vie sur terre, d’après une sérieuse étude publiée dans le non moins sérieux Island Times ? Quelques indices. Elle se trouve en Amérique, et il paraît que c’est la seule construction humaine visible depuis l’espace, avec la Grande Muraille de Chine. La devise municipale s’étale en latin sur un arc de triomphe bétonné : Unus pro omnibus, omnes pro uno (« un pour tous, tous pour un »). La lune y est pleine tous les soirs de l’année, projetant ses faisceaux invariables sur le noctambule égaré. La pluie, elle, est capricieuse, il arrive qu’elle tombe par cercles concentriques sur certains promeneurs plutôt que sur d’autres. L’obsession sécu- ritaire envahit jusqu’aux agences de voyage, qui osent des affiches apocalyptiques : « Méfiez-vous des terroristes et des animaux » ou « Les accidents d’avion, ça n’arrive pas qu’aux autres ». Les bus sont de vrais instituts de sondages ambulants, toujours remplis d’échantillons représentatifs de la population : un soldat, un enfant, une bonne soeur, un homme d’affaires, une mère de famille. Enfin, un homme qui n’a jamais quitté l’endroit depuis sa naissance paraît bizarrement épié par tout le monde. Il se nomme Truman Burbank. Tout l’art de Peter Weir est de ne pas résoudre cette énigme trop vite. Il commence par installer un léger climat de malaise, avec un étrange silence ambiant, et des prises de vues bancales. Comme si la caméra épousait le regard insistant de badauds à la tête penchée. Ou le coup d’oeil furtif d’espions en équilibre au-dessus des toits. Et si cette ville n’était qu’une jolie toile d’araignée construite par la CIA pour coincer Truman Burbank ? L’homme aux insensés bermudas à carreaux semble bien traqué par une armada d’agents secrets, comme le trahit cette soudaine chorégraphie involontaire sur la place de la ville : vingt passants s’arrêtent en même temps pour se toucher l’oreille ; en fait, parce que le micro qui s’y niche capte de mauvaises fréquences… Le doute est entretenu quelque temps encore par de joyeuses fausses pistes que l’on emprunte en même temps que le héros, un tout petit peu plus simplet que nous, mais pas trop Forrest Gump non plus. Jusqu’à ce que la lumière se fasse. Une lumière de carte postale, douceâtre, oran- gée. Mais une lumière qui fait très mal. Dernier avertissement au lecteur : la mèche sera vendue dans les lignes qui suivent. La ville, nommée Seahaven, n’est qu’un gigantesque studio de télévision, un décor fabriqué de toutes pièces sous une bulle monumentale. Tout y est contrôlé par un producteur imbu de sa froide et cérébrale personne, qui dirige la retransmission vingt-quatre heures sur vingt-quatre, et à l’échelle planétaire, de la moindre péripétie de la vie de Truman Burbank. Et cela dure depuis que l’homme a vu le jour, voilà trente ans. Truman ignore depuis toujours que ses faits et gestes sont captés en durée réelle par cinq mille caméras ! Il ne sait pas que ses collègues, ses voisins, sa mère, sa femme, son meilleur ami ne sont que des acteurs de sitcom qui lui jouent la comédie du siècle, au service d’une émission battant des records d’audience sur les cinq continents, depuis trois décennies. Comment Truman pourrait-il le deviner ? Le monde dans lequel il évolue est incomparable, dans tous les sens du terme : Truman n’a rien connu d’autre, donc c’est le paradis. Un paradis jamais perdu, prolongé par de petits plaisirs tout simples, qui s’offrent à lui quotidiennement. Si Truman Burbank est aussi attachant, c’est parce que Peter Weir le traite en bébé, avec la coopération assez sidérante de Jim Carrey, qui a laissé pour l’occasion ses grimaces au vestiaire (sauf une petite langue tirée, mais on lui pardonne ce caprice d’enfant qui sert le personnage). Avec son regard de Peter Pan et sa démarche d’élève du cours préparatoire, l’acteur campe un magnifique Truman sans âge, sorti d’un livre de contes. Son emploi du temps semble tenir en un mot : ré-gu-la-ri-té. Comme un nouveau-né que la routine sécurise, Truman n’est heureux que parce qu’il passe par un cérémonial rigoureusement identique dès le petit matin : lever au chant des oiseaux, réglés comme des boîtes à musique, salut aux trois voisins éternellement souriants, rangés devant la barrière comme s’ils posaient pour une photo de famille, irrésistible plaisanterie récitée sur un ton de bateleur (« Bonjour, et au cas où je ne vous reverrais pas, bonsoir et bonne nuit ! »)… L’attraction béate du spectateur pour ce trentenaire en culottes courtes, blotti dans un décor sage comme une image, propre et guilleret, qui rappelle celui de Oui-Oui, relève du même syndrome : on ne peut que regarder cet éternel enfant avec un regard d’enfant. Pas un regard naïf. Un regard ouvert, avide de découvertes, si cruelles soient-elles. Et la morale du Truman Show, abyssale, fait froid dans le dos, même si Peter Weir choisit de rire plutôt que de donner des leçons. Jusqu’à la fin, il préfère laisser Truman dans une illusion ouatée, lui interdisant la révolte que l’on attend de lui. C’est un peu comme s’il avait tourné une version comique du vertigineux Dossier 51 de Michel Deville. Reçu comme un électrochoc à la fin des années 70, ce film français suivait avec une froideur clinique la mise en lambeaux d’une vie humaine par les renseignements généraux français. Vingt ans plus tard, avec un peu moins d’audace, Peter Weir pose les mêmes questions sur la liberté individuelle. Bien sûr, la télévision est directement en ligne de mire. Une télé qui lobotomise : de la noyade de son père, Truman garde des images mièvres et grandiloquentes, imprégnées de l’esthétique dégoulinante des reality shows. Une télé qui vampirise : Truman est un homme sacrifié pour alimenter les rêves de pauvres gens, que l’identification sauve des tracas de la vie quotidienne. Peter Weir et Andrew Niccol épinglent le voyeurisme qui se pare de bonne conscience – le droit à l’information totale, sans zone d’ombre, donc sans respect de la vie privée, comme si ne pas tout savoir c’était ne rien savoir. Finalement, vous n’étiez pas si loin, si vous imaginiez que le Truman Show pouvait se référer à un président américain… Cela va encore plus loin. Quand il se mouche dans la rue, quand il achète ses journaux ou quand il entre dans une banque, Truman est filmé, quoi qu’il arrive. Fiction totale ? Dans les magasins de New York, on s’arrache aujourd’hui des caméras microscopiques que l’on peut cacher dans des lampes ou des pots de fleurs, afin de surveiller son employé de maison. Et levez un peu les yeux, la prochaine fois que vous pousserez votre chariot à la caisse du supermarché. Derrière la satire plaisante, Peter Weir laisse entrevoir un monde terrifiant, sous très haute surveillance, de Washington à Los Angeles, de Monaco à Levallois-Perret…
Marine Landrot (Télérama)