ÉVÉNEMENTS ET SÉANCES SPECIALES
A PROPOS
Portrait de la jeune fille en feu est de ces films qui ne se laissent pas appréhender facilement, qui se refusent d’abord à la séduction, qui font preuve de timidité, qui exigent du spectateur un premier pas vers eux. Mais une fois ce petit effort consenti, il sort de sa réserve, et se montre d’une générosité sans limite. “Prenez le temps de le regarder”, intime la professeure à ses élèves dès la toute première phrase du film, ô combien programmatique (un peu trop), et le film saura en retour vous regarder, c’est-à-dire vous toucher en plein cœur.
Le quatrième long métrage de Céline Sciamma est ainsi complètement à l’image de son héroïne, la jeune Héloïse (Adèle Haenel) qui, promise par sa mère à un gentilhomme milanais attendant de recevoir un portrait d’elle avant de confirmer l’union – le Tinder du XVIIIe siècle était, il faut l’avouer, un peu plus lent qu’aujourd’hui –, se dérobe autant qu’elle peut. Jusqu’à l’arrivée d’une véritable regardante : Marianne (Noémie Merlant), peintre tout aussi jeune, dépêchée par la mère d’Héloïse afin d’exécuter le portrait mais, en secret, pour ne pas brusquer sa fille et gâcher définitivement l’accord.
Marianne va donc, dans une première partie volontairement corsetée, s’employer à regarder Héloïse, pour pouvoir, croit-elle, la faire sienne, capter son âme en cachette et la fixer sur la toile. Mais c’est un échec. Et une première leçon : il n’est de portrait véritable qu’à double sens. Il faut que l’artiste accepte de s’ouvrir entièrement à sa muse, il faut qu’il y ait une circulation du regard pour que celui-ci soit vrai.
Cela vaut pour Marianne vis-à-vis d’Héloïse – Noémie Merlant, merveilleuse révélation du film, et Adèle Haenel, qui n’en finit pas d’impressionner –, mais aussi, donc, pour Céline Sciamma vis-à-vis de ses comédiennes. Et le spectateur, de l’autre côté de la toile, la grande, n’est pas dupe : dès lors que la peintre s’engage dans une relation, non seulement amoureuse mais surtout horizontale avec son modèle, acceptant d’elle la critique, et même la contre-représentation, dans une scène très forte évoquant Titanic, le film, lui, décolle.
Ce n’est pas tant qu’il se lâche : il reste jusqu’au bout d’une rigueur absolue, faisant dialoguer ses plans par un montage quasi mathématique. Mais, miracle, ses coupes un peu sèches soudain se gorgent de désir, le désir qui s’instaure entre les deux femmes et qui finit par déborder du champ. Et lorsque cette égalité à deux est atteinte, pourquoi ne pas l’étendre à d’autres, demande Sciamma ? Son Portrait de la jeune fille en feu, déjà très beau, gagne alors une dimension supplémentaire lorsque Marianne et Héloïse, de relativement haute extrace, font entrer dans leur danse une servante enceinte (Luána Bajrami) qui souhaite avorter. La représentation se double ainsi d’action, l’esthétique, d’éthique. Et l’image créée par la cinéaste (et sa chef-opératrice Claire Mathon, on fire elle aussi) pour donner corps à cette idée, ballet nocturne sublime à la lisière du fantastique, hante longtemps encore après la projection.
Les Inrocks
Soirée CinéConf
jeudi 15 février
2024 à 20h00
en présence de Nolwenn Mingant, professeure d'Histoire et de Culture des Etats-Unis à l'Université d'Angers
Soirée organisée en collaboration avec l'association Cinéma Parlant et l'Université d'Angers et la SFR Confluences
PORTRAIT DE LA JEUNE FILLE EN FEU
de Céline Sciamma
avec Noémie Merlant, Adèle Haenel, Luàna Bajrami
FRANCE - 2019 - 1h59 - Prix du scénario Cannes 2019
1770. Marianne est peintre et doit réaliser le portrait de mariage d'Héloïse, une jeune femme qui vient de quitter le couvent. Héloïse résiste à son destin d'épouse en refusant de poser. Marianne va devoir la peindre en secret. Introduite auprès d'elle en tant que dame de compagnie, elle la regarde.
http://distrib.pyramidefilms.com/pyramide-distribution-prochainement/portrait-de-la-jeune-fille-en-feu.html
A PROPOS
Portrait de la jeune fille en feu est de ces films qui ne se laissent pas appréhender facilement, qui se refusent d’abord à la séduction, qui font preuve de timidité, qui exigent du spectateur un premier pas vers eux. Mais une fois ce petit effort consenti, il sort de sa réserve, et se montre d’une générosité sans limite. “Prenez le temps de le regarder”, intime la professeure à ses élèves dès la toute première phrase du film, ô combien programmatique (un peu trop), et le film saura en retour vous regarder, c’est-à-dire vous toucher en plein cœur.
Le quatrième long métrage de Céline Sciamma est ainsi complètement à l’image de son héroïne, la jeune Héloïse (Adèle Haenel) qui, promise par sa mère à un gentilhomme milanais attendant de recevoir un portrait d’elle avant de confirmer l’union – le Tinder du XVIIIe siècle était, il faut l’avouer, un peu plus lent qu’aujourd’hui –, se dérobe autant qu’elle peut. Jusqu’à l’arrivée d’une véritable regardante : Marianne (Noémie Merlant), peintre tout aussi jeune, dépêchée par la mère d’Héloïse afin d’exécuter le portrait mais, en secret, pour ne pas brusquer sa fille et gâcher définitivement l’accord.
Marianne va donc, dans une première partie volontairement corsetée, s’employer à regarder Héloïse, pour pouvoir, croit-elle, la faire sienne, capter son âme en cachette et la fixer sur la toile. Mais c’est un échec. Et une première leçon : il n’est de portrait véritable qu’à double sens. Il faut que l’artiste accepte de s’ouvrir entièrement à sa muse, il faut qu’il y ait une circulation du regard pour que celui-ci soit vrai.
Cela vaut pour Marianne vis-à-vis d’Héloïse – Noémie Merlant, merveilleuse révélation du film, et Adèle Haenel, qui n’en finit pas d’impressionner –, mais aussi, donc, pour Céline Sciamma vis-à-vis de ses comédiennes. Et le spectateur, de l’autre côté de la toile, la grande, n’est pas dupe : dès lors que la peintre s’engage dans une relation, non seulement amoureuse mais surtout horizontale avec son modèle, acceptant d’elle la critique, et même la contre-représentation, dans une scène très forte évoquant Titanic, le film, lui, décolle.
Ce n’est pas tant qu’il se lâche : il reste jusqu’au bout d’une rigueur absolue, faisant dialoguer ses plans par un montage quasi mathématique. Mais, miracle, ses coupes un peu sèches soudain se gorgent de désir, le désir qui s’instaure entre les deux femmes et qui finit par déborder du champ. Et lorsque cette égalité à deux est atteinte, pourquoi ne pas l’étendre à d’autres, demande Sciamma ? Son Portrait de la jeune fille en feu, déjà très beau, gagne alors une dimension supplémentaire lorsque Marianne et Héloïse, de relativement haute extrace, font entrer dans leur danse une servante enceinte (Luána Bajrami) qui souhaite avorter. La représentation se double ainsi d’action, l’esthétique, d’éthique. Et l’image créée par la cinéaste (et sa chef-opératrice Claire Mathon, on fire elle aussi) pour donner corps à cette idée, ballet nocturne sublime à la lisière du fantastique, hante longtemps encore après la projection.
Les Inrocks