ÉVÉNEMENTS ET SÉANCES SPECIALES
A PROPOS
J'accuse, c'est l'affaire Dreyfus du point de vue du colonel Picquart (Jean Dujardin, admirable), l'homme qui permit, au péril de sa carrière, de sa liberté, de sa vie, à la vérité de voir le jour et d'innocenter le capitaine Dreyfus (incarné par un étonnant Louis Garrel, méconnaissable, identique au souvenir qu'a laissé Dreyfus à ceux qui l'ont connu et aidé : un homme froid et droit, ayant du mal à exprimer ses sentiments). Le film de Polanski est d'une rigueur absolue, dans ce style classique si reconnaissable qu'est celui du cinéaste. La figure de Picquart est passionnante dès les premières scènes : officier dans l'armée française, professeur de Dreyfus à l'école de guerre, il ne lui cache pas qu'il déteste les juifs, mais que ce sentiment n'interviendra jamais dans sa façon de le noter... Ce sont les événements – Picquart, nommé à la tête des services secrets, découvre peu à peu que les plus haut gradés ont menti pour faire condamner un innocent – et surtout son sens de l'honneur et de la vérité qui vont triompher. Picquart met plus haut que tout la justice. Polanski décrit une société française rongée par un antisémitisme très violent, irrationnel, sans explication.
Le long-métrage est une ode au sens de l'honneur, au courage, au fait que, comme le disait Truffaut, "les gens valent souvent bien mieux que leurs idées". Picquart est plus grand que son antisémitisme de classe et de génération. J'accuse regorge de surprises, d'effets de mise en scène. On a beau savoir que Zola a écrit "J'accuse", l'idée de faire lire chacun des passages de ce texte par celui qui y est incriminé, attaqué, accusé, ridiculisé aussi, est l'une des plus jubilatoires qui soient. Et l'émotion d'entendre ce texte magnifique, plein de panache et d'humour provocateur, demeure inentamée.
L'idée aussi, de faire jouer ces ganaches et ces juges par bon nombre d'acteurs connus de théâtre, dont beaucoup sont de la Comédie française, capables de prendre des accents lyriques, de manier une langue très compassée et de se battre à l'épée (la scène de duel entre Grégory Gadebois et Dujardin est impressionnante) est également une excellente idée. Poupaud (bondissant), Amalric, Dujardin, évidemment, contrebalancent ce qui aurait pu sembler vieillot, figé, dans ces échanges verbaux très tendus. La partie la plus faible ? La vie sentimentale de Picquart, sa longue liaison avec une femme mariée. Mais peu importe, puisque cette femme est admirablement interprétée par Emmanuelle Seignier.
Le récit, rondement mené, extrêmement clair (ce n'est pas si facile), va à toute vitesse durant 132 minutes, et laisse le spectateur le cœur battant. Pantelant. Avec l'idée – presque imposée par la récurrence des bruits de bottes, de talons, de sabots réguliers sur les pavés de Paris – que ce sont ces officiers de "haut-rang", arrogants, stupides, bourgeois et nobles, qui enverront moins de dix ans plus tard plusieurs générations de leurs concitoyens se faire hacher menu dans les tranchées de la Première Guerre mondiale. La vérité est aussi là.
Jean-Baptiste Morain (Les inrockuptibles)
Soirée rencontre
lundi 18 novembre
2019 à 20h00
En présence d'Alain Jacobzone, historien
J'ACCUSE
de Roman Polanski
avec Jean Dujardin, Louis Garrel, Emmanuelle Seigner
FRANCE - 2019 - 2h06 - Lion d'argent - Grand Prix du Jury Venise 2019
Pendant les 12 années qu'elle dura, l'Affaire Dreyfus déchira la France, provoquant un véritable séisme dans le monde entier. Elle apparaît toujours comme un symbole de l'iniquité dont sont capables les autorités politiques au nom de la raison d'Etat.
Dans cet immense scandale, le plus grand sans doute de la fin du XIXe siècle, se mêlent erreur judiciaire, déni de justice et antisémitisme.
L'affaire est racontée du point de vue du Colonel Picquart, véritable héros oublié de l'Affaire Dreyfus. Une fois nommé à la tête du contre-espionnage, le Colonel Picquart finit par découvrir que les preuves contre le Capitaine Alfred Dreyfus avaient été fabriquées.
A partir de cet instant, au péril de sa carrière puis de sa vie, il n'aura de cesse d'identifier les vrais coupables et de réhabiliter Alfred Dreyfus.
A PROPOS
J'accuse, c'est l'affaire Dreyfus du point de vue du colonel Picquart (Jean Dujardin, admirable), l'homme qui permit, au péril de sa carrière, de sa liberté, de sa vie, à la vérité de voir le jour et d'innocenter le capitaine Dreyfus (incarné par un étonnant Louis Garrel, méconnaissable, identique au souvenir qu'a laissé Dreyfus à ceux qui l'ont connu et aidé : un homme froid et droit, ayant du mal à exprimer ses sentiments). Le film de Polanski est d'une rigueur absolue, dans ce style classique si reconnaissable qu'est celui du cinéaste. La figure de Picquart est passionnante dès les premières scènes : officier dans l'armée française, professeur de Dreyfus à l'école de guerre, il ne lui cache pas qu'il déteste les juifs, mais que ce sentiment n'interviendra jamais dans sa façon de le noter... Ce sont les événements – Picquart, nommé à la tête des services secrets, découvre peu à peu que les plus haut gradés ont menti pour faire condamner un innocent – et surtout son sens de l'honneur et de la vérité qui vont triompher. Picquart met plus haut que tout la justice. Polanski décrit une société française rongée par un antisémitisme très violent, irrationnel, sans explication.
Le long-métrage est une ode au sens de l'honneur, au courage, au fait que, comme le disait Truffaut, "les gens valent souvent bien mieux que leurs idées". Picquart est plus grand que son antisémitisme de classe et de génération. J'accuse regorge de surprises, d'effets de mise en scène. On a beau savoir que Zola a écrit "J'accuse", l'idée de faire lire chacun des passages de ce texte par celui qui y est incriminé, attaqué, accusé, ridiculisé aussi, est l'une des plus jubilatoires qui soient. Et l'émotion d'entendre ce texte magnifique, plein de panache et d'humour provocateur, demeure inentamée.
L'idée aussi, de faire jouer ces ganaches et ces juges par bon nombre d'acteurs connus de théâtre, dont beaucoup sont de la Comédie française, capables de prendre des accents lyriques, de manier une langue très compassée et de se battre à l'épée (la scène de duel entre Grégory Gadebois et Dujardin est impressionnante) est également une excellente idée. Poupaud (bondissant), Amalric, Dujardin, évidemment, contrebalancent ce qui aurait pu sembler vieillot, figé, dans ces échanges verbaux très tendus. La partie la plus faible ? La vie sentimentale de Picquart, sa longue liaison avec une femme mariée. Mais peu importe, puisque cette femme est admirablement interprétée par Emmanuelle Seignier.
Le récit, rondement mené, extrêmement clair (ce n'est pas si facile), va à toute vitesse durant 132 minutes, et laisse le spectateur le cœur battant. Pantelant. Avec l'idée – presque imposée par la récurrence des bruits de bottes, de talons, de sabots réguliers sur les pavés de Paris – que ce sont ces officiers de "haut-rang", arrogants, stupides, bourgeois et nobles, qui enverront moins de dix ans plus tard plusieurs générations de leurs concitoyens se faire hacher menu dans les tranchées de la Première Guerre mondiale. La vérité est aussi là.
Jean-Baptiste Morain (Les inrockuptibles)