ÉVÉNEMENTS ET SÉANCES SPECIALES
A PROPOS
Le nom est de ceux qu'il faut épeler. B-r-o-c-k-o-v-i-c-h. Erin. Erin Brockovich est l'histoire vraie d'une femme nommée Erin Brockovich, qui a trois enfants, pas de mari (divorcée deux fois), pas de travail et plus un dollar. Mais elle se bat et obtient au forcing une place d'archiviste dans le cabinet d'un avocat. En classant des dossiers, elle découvre qu'une société de distribution d'eau rachète les maisons de centaines de familles où l'on développe des cancers et d'autres maladies graves. Enquête, rencontres, Erin Brockovich met au jour une affaire d'empoisonnement, se bat pour faire éclater la vérité, se bat pour ceux qui lui ont confié leur défense et, avec son patron avocat, décroche la victoire : 333 millions de dollars pour les victimes de la société de distribution d'eau, le plus important dédommagement jamais versé après un procès civil aux Etats-Unis. Combien de dollars, combien de cas de cancer... Toute l'histoire d'Erin Brockovich est affaire de quantité, et ce qu'elle a d'exemplaire tient, de même, à un heureux passage du rien au tout. Erin Brockovich n'avait rien, ne pouvait rien, n'était rien, et elle gagne finalement très, très bien sa vie, elle est capable des plus grandes choses et elle représente énormément (c'est-à-dire infiniment plus qu'un avocat) pour ceux qu'elle a aidés. Pourtant, le film de Steven Soderbergh échappe, de façon surprenante, à ces enjeux matériels qui lestent son scénario. Pour dire la dèche d'Erin Brockovich, pour la montrer qui se bat contre les cafards, la mise en scène ne se départ pas d'une élégance enlevée, d'une légèreté piquante. Un brio bien tempéré qui dit joliment que Soderbergh s'intéresse bien plus à la question du comment qu'à celle du combien. Il faut lui en savoir gré, car la question du combien pourrait facilement tourner au discours moral, avec célébration de l'Amérique, ce beau pays où l'on peut être pauvre mais, très vite, très riche, et où une femme, seule et anonyme, peut vaincre un empire financier... Pas de conclusions hâtives, pas de généralisations démagogiques chez Soderbergh, qui ne feint pas d'être soudain devenu un cinéaste social. De Sexe, mensonges et vidéo à L'Anglais, la forme a toujours compté dans ses films, et s'il y a une leçon à tirer de cette histoire, elle est, pour lui, dans l'art et la manière d'agir d'Erin Brockovich. La question du comment, c'est elle. Comment Erin Brockovich s'habille, marche, parle, sourit... tout cela importe beaucoup. Car elle fait tout de façon voyante et, disons-le, craquante. Ce portrait se veut fidèle à la réalité, puisque la véritable Erin Brockovich (qui apparaît ici brièvement dans le rôle d'une serveuse) a, dit-on, bel et bien mené son combat pour la vérité et la justice en talons aiguilles et décolleté pigeonnant, avec un charme électrique. Calant sa mise en scène sur ce charme-là, Steven Soderbergh s'inspire d'abord des qualités de l'interprète d'Erin Brockovich, Julia Roberts. Il bouscule ainsi, mine de rien, les conventions du genre en montrant que dans un film comme Erin Brockovich le plaisir n'est pas de tout apprendre sur un scandale de l'eau empoisonnée, mais de suivre le spectacle de cette aventure jouée par une actrice. Avant-hier, c'était Jane Fonda (dans Le Syndrome chinois, de James Bridges), hier Meryl Streep (Le Mystère Silkwood, de Mike Nichols). La différence, aujourd'hui, c'est que Soderbergh joue franco, sans réserve, le jeu de sa star. Dans Erin Brockovich, les péripéties de l'histoire (dénicher des dossiers secrets, subtiliser des preuves...) sont délibérément de l'ordre de la convention, et le metteur en scène se moque un peu qu'elles soient palpitantes. Ce qui l'intéresse, c'est la convention suprême une vedette « qui fait rêver » dans le rôle d'une femme qui ne rêve pas. Il en joue pour montrer autant le pouvoir d'une citoyenne américaine que le pouvoir d'une actrice : elle cherche du travail, décroche une figuration, en fait un premier rôle, devient populaire, rapporte des dollars et touche, en conséquence, un chèque de star. Cette double lecture de l'histoire d'Erin Brockovich n'est pas un second degré caché sous le premier : elle est directement dictée, tout au long du film, par la séduction spontanée de Julia Roberts et par le regard que Steven Soderbergh pose sur elle. Un regard qui ne cherche pas à démythifier la star à coups de réalisme, ni à la rendre plus star qu'elle n'est à coups d'artifices. Un regard juste et neuf
Frédéric Strauss (Télérama)
Soirée rencontre
jeudi 9 octobre
2014 à 20h15
en présence de Jérôme Negriolli, responsable du labo chimie/environnement du laboratoire Inovalys
Soirée organisée en collaboration avec la Maison de l'Environnement, Ville d'Angers
ERIN BROCKOVICH, SEULE CONTRE TOUS
de Steven Soderbergh
avec Julia Roberts, Albert Finney, Aaron Eckhart
USA - 2000 - 2h11 - version originale sous titrée
Mère élevant seule ses trois enfants, Erin Brockovich n'avait vraiment pas besoin d'un accident de voiture. D'autant que le responsable sort du tribunal financièrement indemne. Obligée de trouver rapidement un travail pour couvrir tous ses frais medicaux et de justice, Erin obtient de son avocat de l'employer comme archiviste dans son cabinet. Son allure et son franc-parler ne lui valent pas des débuts faciles mais elle apprend vite. En classant des documents, Erin déterre une affaire louche d'empoisonnement et décide de se jeter dans la bataille.
A PROPOS
Le nom est de ceux qu'il faut épeler. B-r-o-c-k-o-v-i-c-h. Erin. Erin Brockovich est l'histoire vraie d'une femme nommée Erin Brockovich, qui a trois enfants, pas de mari (divorcée deux fois), pas de travail et plus un dollar. Mais elle se bat et obtient au forcing une place d'archiviste dans le cabinet d'un avocat. En classant des dossiers, elle découvre qu'une société de distribution d'eau rachète les maisons de centaines de familles où l'on développe des cancers et d'autres maladies graves. Enquête, rencontres, Erin Brockovich met au jour une affaire d'empoisonnement, se bat pour faire éclater la vérité, se bat pour ceux qui lui ont confié leur défense et, avec son patron avocat, décroche la victoire : 333 millions de dollars pour les victimes de la société de distribution d'eau, le plus important dédommagement jamais versé après un procès civil aux Etats-Unis. Combien de dollars, combien de cas de cancer... Toute l'histoire d'Erin Brockovich est affaire de quantité, et ce qu'elle a d'exemplaire tient, de même, à un heureux passage du rien au tout. Erin Brockovich n'avait rien, ne pouvait rien, n'était rien, et elle gagne finalement très, très bien sa vie, elle est capable des plus grandes choses et elle représente énormément (c'est-à-dire infiniment plus qu'un avocat) pour ceux qu'elle a aidés. Pourtant, le film de Steven Soderbergh échappe, de façon surprenante, à ces enjeux matériels qui lestent son scénario. Pour dire la dèche d'Erin Brockovich, pour la montrer qui se bat contre les cafards, la mise en scène ne se départ pas d'une élégance enlevée, d'une légèreté piquante. Un brio bien tempéré qui dit joliment que Soderbergh s'intéresse bien plus à la question du comment qu'à celle du combien. Il faut lui en savoir gré, car la question du combien pourrait facilement tourner au discours moral, avec célébration de l'Amérique, ce beau pays où l'on peut être pauvre mais, très vite, très riche, et où une femme, seule et anonyme, peut vaincre un empire financier... Pas de conclusions hâtives, pas de généralisations démagogiques chez Soderbergh, qui ne feint pas d'être soudain devenu un cinéaste social. De Sexe, mensonges et vidéo à L'Anglais, la forme a toujours compté dans ses films, et s'il y a une leçon à tirer de cette histoire, elle est, pour lui, dans l'art et la manière d'agir d'Erin Brockovich. La question du comment, c'est elle. Comment Erin Brockovich s'habille, marche, parle, sourit... tout cela importe beaucoup. Car elle fait tout de façon voyante et, disons-le, craquante. Ce portrait se veut fidèle à la réalité, puisque la véritable Erin Brockovich (qui apparaît ici brièvement dans le rôle d'une serveuse) a, dit-on, bel et bien mené son combat pour la vérité et la justice en talons aiguilles et décolleté pigeonnant, avec un charme électrique. Calant sa mise en scène sur ce charme-là, Steven Soderbergh s'inspire d'abord des qualités de l'interprète d'Erin Brockovich, Julia Roberts. Il bouscule ainsi, mine de rien, les conventions du genre en montrant que dans un film comme Erin Brockovich le plaisir n'est pas de tout apprendre sur un scandale de l'eau empoisonnée, mais de suivre le spectacle de cette aventure jouée par une actrice. Avant-hier, c'était Jane Fonda (dans Le Syndrome chinois, de James Bridges), hier Meryl Streep (Le Mystère Silkwood, de Mike Nichols). La différence, aujourd'hui, c'est que Soderbergh joue franco, sans réserve, le jeu de sa star. Dans Erin Brockovich, les péripéties de l'histoire (dénicher des dossiers secrets, subtiliser des preuves...) sont délibérément de l'ordre de la convention, et le metteur en scène se moque un peu qu'elles soient palpitantes. Ce qui l'intéresse, c'est la convention suprême une vedette « qui fait rêver » dans le rôle d'une femme qui ne rêve pas. Il en joue pour montrer autant le pouvoir d'une citoyenne américaine que le pouvoir d'une actrice : elle cherche du travail, décroche une figuration, en fait un premier rôle, devient populaire, rapporte des dollars et touche, en conséquence, un chèque de star. Cette double lecture de l'histoire d'Erin Brockovich n'est pas un second degré caché sous le premier : elle est directement dictée, tout au long du film, par la séduction spontanée de Julia Roberts et par le regard que Steven Soderbergh pose sur elle. Un regard qui ne cherche pas à démythifier la star à coups de réalisme, ni à la rendre plus star qu'elle n'est à coups d'artifices. Un regard juste et neuf
Frédéric Strauss (Télérama)