ÉVÉNEMENTS ET SÉANCES SPECIALES
A PROPOS
Portraits de quelques vétérans d’Irak et d’Afghanistan qui peinent à se remettre sur pied. Puissant.
Il n’y a pas lieu de découvrir l’eau chaude (quoi, la guerre c’est traumatique ?!), mais il reste quand même terrassant de voir ces douze boules de muscles et de vertu s’effondrer, doucement, sous le poids de la culpabilité. Laurent Bécue-Renard, après avoir chroniqué au plus près la guerre de Bosnie et ses cicatrices, a passé cinq ans dans l’intimité des vétérans d’Irak et d’Afghanistan, à l’intérieur des structures d’accueil psychologique qui tentent de les aider à se remettre sur pied.
Dans un pays où la propagande populaire n’a jamais cessé de renouveler la légende du héros de guerre, il est permis de rentrer borgne ou estropié, ou même mort, mais pas comme ça : amoindri, éteint, détruit de l’intérieur.
C’est pourquoi ces douze hommes sont seuls et un peu honteux.
Au Pathway Home, ils passent de longues heures à raconter leurs souvenirs (quand ils en ont le courage), leurs états d’âme (quand ils les contrôlent), et plus souvent à se taire. Le centre tient plus du purgatoire que de la clinique : on y déambule lentement, on y croise quelques spectres, on parle peu.
Le film de Bécue-Renard est ample et beau parce qu’il s’attache avec patience à la bouleversante figure de l’homme blessé, sans jamais forcer la main : le dépiautage est long, fastidieux, mais les plaies béantes que cachent les soldats, quand elles finissent par émerger, justifient largement le temps passé à les dévoiler, l’énergie dépensée à les dissimuler.
Evidemment, le titre place le documentaire sous la bonne étoile de Steinbeck : comme lui, il mêle avec brio la tendresse et la torture, dépeignant la communauté des laissés-pour-compte comme une armée de grands gaillards sanglotant, grosses bêtes réduites à serrer leur doudou. Il s’avère même, insidieusement, assez guérisseur. Ainsi persiste l’image de ces somptueuses séquences extérieures qui ponctuent le film, captées au steadycam, aérées et libératrices – où il est toujours stupéfiant de voir à quel point un simple mouvement de caméra peut soulager les plaies.
Théo Ribeton (Les Inrocks)
Soirée rencontre
mardi 10 février
2015 à 19h45
en présence du réalisateur et de Philippe Mathécowitsch, médecin chef de la base de défense des pays de Loire
OF MEN AND WAR
de Laurent Bécue-Renard
Film documentaire
France - 2014 - 2h22 - version originale sous-titrée
Ils auraient pu s’appeler Ulysse, ils s’appellent Justin, Brooks ou Steve. Ils auraient pu revenir de Troie, ils reviennent d’Irak ou d’Afghanistan. Pourtant, pour eux aussi, le retour au pays est une longue et douloureuse errance. Partis combattre pour l’Amérique, les douze guerriers de Of Men and War (Des hommes et de la guerre) sont rentrés du front sains et saufs mais l’esprit en morceaux, consumés de colère, hantés par les réminiscences du champ de bataille. Leurs femme, enfants et parents ne les reconnaissent plus et les regardent, impuissants, se débattre contre d’invisibles démons. Guidés par un thérapeute pionnier des traumatismes de guerre, ils vont peu à peu tenter ensemble de mettre des mots sur l’indicible et de se réconcilier avec eux-mêmes, leur passé, leur famille.
http://www.ciclic.fr/ressources/men-and-war
A PROPOS
Portraits de quelques vétérans d’Irak et d’Afghanistan qui peinent à se remettre sur pied. Puissant.
Il n’y a pas lieu de découvrir l’eau chaude (quoi, la guerre c’est traumatique ?!), mais il reste quand même terrassant de voir ces douze boules de muscles et de vertu s’effondrer, doucement, sous le poids de la culpabilité. Laurent Bécue-Renard, après avoir chroniqué au plus près la guerre de Bosnie et ses cicatrices, a passé cinq ans dans l’intimité des vétérans d’Irak et d’Afghanistan, à l’intérieur des structures d’accueil psychologique qui tentent de les aider à se remettre sur pied.
Dans un pays où la propagande populaire n’a jamais cessé de renouveler la légende du héros de guerre, il est permis de rentrer borgne ou estropié, ou même mort, mais pas comme ça : amoindri, éteint, détruit de l’intérieur.
C’est pourquoi ces douze hommes sont seuls et un peu honteux.
Au Pathway Home, ils passent de longues heures à raconter leurs souvenirs (quand ils en ont le courage), leurs états d’âme (quand ils les contrôlent), et plus souvent à se taire. Le centre tient plus du purgatoire que de la clinique : on y déambule lentement, on y croise quelques spectres, on parle peu.
Le film de Bécue-Renard est ample et beau parce qu’il s’attache avec patience à la bouleversante figure de l’homme blessé, sans jamais forcer la main : le dépiautage est long, fastidieux, mais les plaies béantes que cachent les soldats, quand elles finissent par émerger, justifient largement le temps passé à les dévoiler, l’énergie dépensée à les dissimuler.
Evidemment, le titre place le documentaire sous la bonne étoile de Steinbeck : comme lui, il mêle avec brio la tendresse et la torture, dépeignant la communauté des laissés-pour-compte comme une armée de grands gaillards sanglotant, grosses bêtes réduites à serrer leur doudou. Il s’avère même, insidieusement, assez guérisseur. Ainsi persiste l’image de ces somptueuses séquences extérieures qui ponctuent le film, captées au steadycam, aérées et libératrices – où il est toujours stupéfiant de voir à quel point un simple mouvement de caméra peut soulager les plaies.
Théo Ribeton (Les Inrocks)