ÉVÉNEMENTS ET SÉANCES SPECIALES
A PROPOS
BRICKS, UNE TRAVERSÉE DANS L’ESPAGNE EN CRISE
Par Quentin Ravelli
En Espagne, la crise continue à s’aggraver malgré les déclarations du gouvernement. Depuis 2007, le chômage est passé de 8% à plus de 19%, les salaires ont baissé et les services publics continuent à réduire leur voilure. De nombreux mouvements sociaux ont vu le jour et remis en cause l’influence des banques, les suppressions d’emploi, la corruption qui gangrène l’appareil d’État. Même le système parlementaire, stable depuis la fin de la dictature en 1974, s’est mis à se fissurer : la percée de Podemos, devenu en trois ans l’une des premières forces politiques, enraye l’alternance monotone de la droite et de la gauche au pouvoir. Contrairement à la France, et même si la contestation s’essouffle, la remise en question ne vient pas de l’extrême droite.
La crise du logement en Espagne : « No es una crisis, es una estafa ! »
Un des aspects les plus marquant de cette situation est la crise du logement : après avoir construit plus de maisons que la France et l’Allemagne réunies, la bulle immobilière a éclaté et les expulsions se sont généralisées, dans un pays où on estime qu’il y a plus de 5 millions de logements vides. Au moins 700 000 familles ont été menacées d’être mises à la rue car elles ne réussissaient pas à payer leurs crédits immobiliers. Ce sont des crédits élevés, inadaptés, impossibles à rembourser, qui se sont implantés jusque dans les strates les plus pauvres de la population. Ce qui justifie le slogan désormais populaire en Espagne : « Ce n’est pas une crise, c’est une arnaque ! » En Espagnol, un mot résume toutes ces absurdités tragiques : le « ladrillo ». Au sens propre, c’est la « brique » dont sont fait la majorité des immeubles en Espagne. Au sens figuré, c’est le système politico-financier à l’origine de la spéculation et de l’effondrement du pays. Pour faire ressentir les aberrations du ladrillo sans accumuler les discours de victimes, le film suit la vie des briques rouges. Autour d’elles, se collent des personnages qui résistent, chacun à leur manière.
Des portraits sensibles et contradictoires
En croisant plusieurs fils, Bricks raconte la tempête sociale que traverse l’Espagne aujourd’hui. Le maire d’une ville nouvelle, construite dans les années 2000 et devenue une ville-fantôme, cherche à changer l’image de sa ville qui se remplit peu à peu. Une usine de briques de Castille survit en exportant des modèles de briques de façade qui portent des noms de Dieux grecs. Une femme équatorienne avec deux enfants empêche l’expulsion de son logement et se bat contre sa banque pour obtenir l’annulation de sa dette avec l’aide d’un des mouvements sociaux les plus puissants en Espagne : la Plateforme des Victimes du Crédit, ou Plataforma de los Afectados por la Hipoteca. En évitant les discours d’experts, à partir de situations concrètes et sans discours préétabli, Bricks cherche à dresser des portraits de résistances qui ne sont jamais simples : le maire affronte une dure opposition, les ouvriers de l’usines paient leur crédit et ne se révoltent pas, les changements politiques n’ont pas radicalement modifié la crise du logement… Ces portraits permettent de voir l’Espagne comme un contre-point à la France d’aujourd’hui, sans l’idéaliser.
Ciné doc
jeudi 1 février
2018 à 20h00
présenté par Manuelle Peloille, professeur de civilisation espagnole contemporaine à l'Université d'Angers, directrice de la revue Cahiers de civilisation espagnole contemporaine (http://ccec.revues.org) et responsable du laboratoire de recherche 3L.AM pour le site d'Angers
BRICKS
de Quentin Ravelli
Documentaire
FRANCE - 2017 - 1h30 - VOST
Des carrières d'argile abandonnées aux crédits immobiliers impayés, la
brique espagnole incarne le triomphe puis la faillite économique du
pays. Usines qui ferment la moitié de l'année, ville-fantôme
curieusement habitée, luttes populaires contre les expropriations
orchestrées par les banques: suivre le parcours d'une marchandise permet
de donner un visage à la crise. Et de dessiner les stratégies
individuelles et collectives qui permettent de la surmonter.
http://www.survivance.net/document/18/58/BRICKS
A PROPOS
BRICKS, UNE TRAVERSÉE DANS L’ESPAGNE EN CRISE
Par Quentin Ravelli
En Espagne, la crise continue à s’aggraver malgré les déclarations du gouvernement. Depuis 2007, le chômage est passé de 8% à plus de 19%, les salaires ont baissé et les services publics continuent à réduire leur voilure. De nombreux mouvements sociaux ont vu le jour et remis en cause l’influence des banques, les suppressions d’emploi, la corruption qui gangrène l’appareil d’État. Même le système parlementaire, stable depuis la fin de la dictature en 1974, s’est mis à se fissurer : la percée de Podemos, devenu en trois ans l’une des premières forces politiques, enraye l’alternance monotone de la droite et de la gauche au pouvoir. Contrairement à la France, et même si la contestation s’essouffle, la remise en question ne vient pas de l’extrême droite.
La crise du logement en Espagne : « No es una crisis, es una estafa ! »
Un des aspects les plus marquant de cette situation est la crise du logement : après avoir construit plus de maisons que la France et l’Allemagne réunies, la bulle immobilière a éclaté et les expulsions se sont généralisées, dans un pays où on estime qu’il y a plus de 5 millions de logements vides. Au moins 700 000 familles ont été menacées d’être mises à la rue car elles ne réussissaient pas à payer leurs crédits immobiliers. Ce sont des crédits élevés, inadaptés, impossibles à rembourser, qui se sont implantés jusque dans les strates les plus pauvres de la population. Ce qui justifie le slogan désormais populaire en Espagne : « Ce n’est pas une crise, c’est une arnaque ! » En Espagnol, un mot résume toutes ces absurdités tragiques : le « ladrillo ». Au sens propre, c’est la « brique » dont sont fait la majorité des immeubles en Espagne. Au sens figuré, c’est le système politico-financier à l’origine de la spéculation et de l’effondrement du pays. Pour faire ressentir les aberrations du ladrillo sans accumuler les discours de victimes, le film suit la vie des briques rouges. Autour d’elles, se collent des personnages qui résistent, chacun à leur manière.
Des portraits sensibles et contradictoires
En croisant plusieurs fils, Bricks raconte la tempête sociale que traverse l’Espagne aujourd’hui. Le maire d’une ville nouvelle, construite dans les années 2000 et devenue une ville-fantôme, cherche à changer l’image de sa ville qui se remplit peu à peu. Une usine de briques de Castille survit en exportant des modèles de briques de façade qui portent des noms de Dieux grecs. Une femme équatorienne avec deux enfants empêche l’expulsion de son logement et se bat contre sa banque pour obtenir l’annulation de sa dette avec l’aide d’un des mouvements sociaux les plus puissants en Espagne : la Plateforme des Victimes du Crédit, ou Plataforma de los Afectados por la Hipoteca. En évitant les discours d’experts, à partir de situations concrètes et sans discours préétabli, Bricks cherche à dresser des portraits de résistances qui ne sont jamais simples : le maire affronte une dure opposition, les ouvriers de l’usines paient leur crédit et ne se révoltent pas, les changements politiques n’ont pas radicalement modifié la crise du logement… Ces portraits permettent de voir l’Espagne comme un contre-point à la France d’aujourd’hui, sans l’idéaliser.