ÉVÉNEMENTS ET SÉANCES SPECIALES
A PROPOS
Ode au dépassement de soi, à la nature et à la liberté, le documentaire de Pierre Morath retrace la belle histoire du "running boom". On y court !
New York, Paris, Londres, Boston, Barcelone, Los Angeles. Miami, Amsterdam, Rome, Tokyo, Prague, Venise, Québec, Saint-Pétersbourg... Chaque semaine, ils sont des dizaines de milliers dans le monde à enfiler short et baskets, allumer le chrono, et prendre le départ de ces 42,195 kilomètres que l'on appelle marathon. On ne compte plus non plus les coureurs du dimanche qui tournent en boucle dans les parcs ou mordent le bitume, écouteurs vissés sur les oreilles. Ou les adeptes des Color Run, Bubble Day, Mud Day et autres trails.
« Après quoi court-on ? » s'interroge l'historien du sport et ancien athlète Pierre Morath, dans son documentaire Free to Run, qui sort en salle ce mercredi. Après le défi beaucoup, la performance bien sûr, la recherche de soi un peu. Mais, surtout, après une certaine idée de la liberté. « Il est étonnant qu'un geste aussi simple puisse porter autant de valeurs militantes, analyse le réalisateur. L'essor du running n'est finalement qu'un miroir des luttes sociales et politiques de ces quarante dernières années. »
Émancipation
En effet, il a fallu en mener des combats pour que la course à pied ne soit plus considérée comme une lubie de farfelus néfaste pour la santé. Dans les années 1960 et 1970, les prémices de la médecine du sport mettent en garde : courir réduirait l'espérance de vie. Les femmes doivent à tout pris s'en abstenir si elles ne veulent pas avoir « les jambes épaisses », « le torse velu », ou voir « leur utérus se décrocher ». « Trop de masse grasse, trop d'émotivité », dissuadent médias et spécialistes.
En 1967, l'Américaine Kathrine Switzer défie la science en enfilant le dossard 261 au départ du marathon de Boston. Son compagnon se chargera de repousser le vieux monsieur en costume qui tente de l'exclure. Qui n'est autre que le directeur de la course, Jock Semple. Aux Jeux olympiques, les épreuves dames ne vont pas au-delà de 800 mètres, alors courir un marathon...
Des pionniers du Bronx, qui passent pour des hurluberlus qui « courent en sous-vêtements » dans la rue, aux athlètes suréquipés d'aujourd'hui, Pierre Morath dresse une galerie de portraits. Et nous permet de (re)découvrir les grandes figures de cette petite révolution. Kathrine Switzer bien sûr, qui finit par créer en 1976 le premier circuit international de courses féminines et par guetter, le cœur battant, l'entrée de la première marathonienne dans le stade olympique de Los Angeles, en 1984. Mais aussi Steve Préfontaine, le « James Dean » de la piste, qui lutta, au cours de sa courte carrière, pour que le statut d'amateur imposé aux adultes soit reconsidéré. Les fédérations toutes-puissantes d'athlétisme refusant de lui verser le moindre centime, il demanda à une petite boutique de baskets de Beaverton, dans l'Oregon, de l'aider. Et devint le premier athlète sponsorisé par Nike !
On croise également la route de Fred Lebow, fantasque personnage qui fit sortir le marathon de New York de Central Park, saisit l'opportunité d'en faire une vitrine de la réussite américaine, et par-là même, un événement planétaire à ne pas rater. La célèbre course, qui comptait 127 participants en 1970, déjà 10 000 en 1978, en est à plus de 50 000 aujourd'hui.
Le « jogging » est devenu « running », le short enfilé à la hâte a cédé la place à un équipement toujours plus cher, plus performant. La joie de se dépasser en communion avec la nature s'est-elle muée en machine à gros sous ? Ce chapitre n'est pas éludé, bien au contraire. Il est aussi question de la récupération mercantile et marketing de la philosophie du bien-être. Et les images du marathon de New York de 2012, annulé après le passage de l'ouragan Sandy, au prix de l'imploration de la population touchée par la catastrophe, sont saisissantes.
Les valeurs qui ont fait les grandes heures de la course à pied ne sont pas près de s'éteindre, rassure Morath. Partout dans le monde, des hommes et des femmes se sont battus, confortés par cette libération de l'esprit dans un corps en mouvement. Nombre d'Européens gardent le souvenir ému de la revue Spiridon, publiée de 1972 à 1989 à l'initiative de Noël Tamini, qui chantait non sans poésie la course libre, loin des pistes, hors des fédérations. « Des rebelles, des rêveurs, il y en aura toujours, poursuit le réalisateur. Regardez Nick Symmonds : c'est l'un des meilleurs coureurs de sa génération et il boycotte les marques et le diktat de la fédération... »
Victoria Gairin (Le Point)
Ciné doc
lundi 13 juin
2016 à 20h15
En présence de Philippe Brunschwig et Jean-Michel Serisier, marathoniens, cent bornards, ultra-traileurs.
Soirée organisée en collaboration avec AS Ponts de Cé Run Cotrail
FREE TO RUN
de Pierre Morath
Documentaire
FRANCE - BELGIQUE - SUISSE - 2016 - 1h39 - Version originale sous-titrée
Des rues de New York aux sentiers des Alpes suisses, de Sao Paulo à Paris, Pékin ou Sydney, hommes et femmes, champions ou anonymes de tous âges...Les adeptes de la course à pied se comptent aujourd'hui par millions.
Pourtant, il y a à peine 50 ans, cette pratique était uniquement réservée aux hommes, cantonnée aux stades, avec des règles strictes, rétrogrades et sexistes.
Free to Run raconte pour la première fois la fabuleuse épopée de la course à pied, acte marginal et militant devenu passion universelle.
https://www.facebook.com/Freetorun.lefilm/
A PROPOS
Ode au dépassement de soi, à la nature et à la liberté, le documentaire de Pierre Morath retrace la belle histoire du "running boom". On y court !
New York, Paris, Londres, Boston, Barcelone, Los Angeles. Miami, Amsterdam, Rome, Tokyo, Prague, Venise, Québec, Saint-Pétersbourg... Chaque semaine, ils sont des dizaines de milliers dans le monde à enfiler short et baskets, allumer le chrono, et prendre le départ de ces 42,195 kilomètres que l'on appelle marathon. On ne compte plus non plus les coureurs du dimanche qui tournent en boucle dans les parcs ou mordent le bitume, écouteurs vissés sur les oreilles. Ou les adeptes des Color Run, Bubble Day, Mud Day et autres trails.
« Après quoi court-on ? » s'interroge l'historien du sport et ancien athlète Pierre Morath, dans son documentaire Free to Run, qui sort en salle ce mercredi. Après le défi beaucoup, la performance bien sûr, la recherche de soi un peu. Mais, surtout, après une certaine idée de la liberté. « Il est étonnant qu'un geste aussi simple puisse porter autant de valeurs militantes, analyse le réalisateur. L'essor du running n'est finalement qu'un miroir des luttes sociales et politiques de ces quarante dernières années. »
Émancipation
En effet, il a fallu en mener des combats pour que la course à pied ne soit plus considérée comme une lubie de farfelus néfaste pour la santé. Dans les années 1960 et 1970, les prémices de la médecine du sport mettent en garde : courir réduirait l'espérance de vie. Les femmes doivent à tout pris s'en abstenir si elles ne veulent pas avoir « les jambes épaisses », « le torse velu », ou voir « leur utérus se décrocher ». « Trop de masse grasse, trop d'émotivité », dissuadent médias et spécialistes.
En 1967, l'Américaine Kathrine Switzer défie la science en enfilant le dossard 261 au départ du marathon de Boston. Son compagnon se chargera de repousser le vieux monsieur en costume qui tente de l'exclure. Qui n'est autre que le directeur de la course, Jock Semple. Aux Jeux olympiques, les épreuves dames ne vont pas au-delà de 800 mètres, alors courir un marathon...
Des pionniers du Bronx, qui passent pour des hurluberlus qui « courent en sous-vêtements » dans la rue, aux athlètes suréquipés d'aujourd'hui, Pierre Morath dresse une galerie de portraits. Et nous permet de (re)découvrir les grandes figures de cette petite révolution. Kathrine Switzer bien sûr, qui finit par créer en 1976 le premier circuit international de courses féminines et par guetter, le cœur battant, l'entrée de la première marathonienne dans le stade olympique de Los Angeles, en 1984. Mais aussi Steve Préfontaine, le « James Dean » de la piste, qui lutta, au cours de sa courte carrière, pour que le statut d'amateur imposé aux adultes soit reconsidéré. Les fédérations toutes-puissantes d'athlétisme refusant de lui verser le moindre centime, il demanda à une petite boutique de baskets de Beaverton, dans l'Oregon, de l'aider. Et devint le premier athlète sponsorisé par Nike !
On croise également la route de Fred Lebow, fantasque personnage qui fit sortir le marathon de New York de Central Park, saisit l'opportunité d'en faire une vitrine de la réussite américaine, et par-là même, un événement planétaire à ne pas rater. La célèbre course, qui comptait 127 participants en 1970, déjà 10 000 en 1978, en est à plus de 50 000 aujourd'hui.
Le « jogging » est devenu « running », le short enfilé à la hâte a cédé la place à un équipement toujours plus cher, plus performant. La joie de se dépasser en communion avec la nature s'est-elle muée en machine à gros sous ? Ce chapitre n'est pas éludé, bien au contraire. Il est aussi question de la récupération mercantile et marketing de la philosophie du bien-être. Et les images du marathon de New York de 2012, annulé après le passage de l'ouragan Sandy, au prix de l'imploration de la population touchée par la catastrophe, sont saisissantes.
Les valeurs qui ont fait les grandes heures de la course à pied ne sont pas près de s'éteindre, rassure Morath. Partout dans le monde, des hommes et des femmes se sont battus, confortés par cette libération de l'esprit dans un corps en mouvement. Nombre d'Européens gardent le souvenir ému de la revue Spiridon, publiée de 1972 à 1989 à l'initiative de Noël Tamini, qui chantait non sans poésie la course libre, loin des pistes, hors des fédérations. « Des rebelles, des rêveurs, il y en aura toujours, poursuit le réalisateur. Regardez Nick Symmonds : c'est l'un des meilleurs coureurs de sa génération et il boycotte les marques et le diktat de la fédération... »
Victoria Gairin (Le Point)